ANALYSES

Élections législatives en Algérie : quels enjeux ?

Interview
27 avril 2017
Le point de vue de Kader Abderrahim
En Algérie, la campagne électorale a débuté pour les élections législatives qui se tiendront le 4 mai prochain. Toutefois, l’indifférence de la population algérienne semble régner. Le point de vue de Kader Abderrahim, chercheur à l’IRIS.

Quels sont les principaux enjeux liés à cette élection ? Doit-on s’attendre à ce que le Front national de libération (FLN) remporte de nouveau le plus grand nombre de sièges ?

Le principal enjeu de cette élection réside dans la participation. Le pouvoir l’a très bien compris et use de tous les moyens à sa disposition pour tenter de convaincre les Algériens d’aller voter. En termes d’image, ce serait catastrophique pour ce régime à bout de souffle d’afficher un taux de participation inférieur à 30%. Il y a 5 ans, le taux de participation s’élevait à environ 33-35%, ce qui était déjà peu. Aujourd’hui, être en dessous du seuil des 30% signifierait que l’Assemblée n’a absolument aucune représentativité.

Concernant le FLN, le nombre de siège qu’il obtiendra ne présente en réalité que peu d’intérêt. Ces élections ne servent ni à avoir une idée précise des rapports de force politiques internes du pays, ni à élire des gens représentatifs de la société algérienne. Elles ont plutôt une fonction d’affichage et de communication car elles ont vocation à être diffusées à l’extérieur de l’Algérie, pour pouvoir déclarer « on respecte un calendrier électoral et on organise des élections ». Le FLN a un jeu de répartition des tâches avec le Rassemblement national démocratique (RND), l’autre parti représentant le sérail algérien. Mais la question de savoir qui sortira majoritaire de ce scrutin n’est vraiment pas l’enjeu principal de ce rendez-vous électoral.

Ces élections législatives permettent donc juste de gérer le statu quo et éventuellement, dans l’hypothèse positive, de donner une indication sur la manière dont pourrait se dérouler la succession du président. Pour résumer, les deux seuls enjeux sont donc la participation et l’éventualité de fournir un baromètre quant à la succession présidentielle.

La révision constitutionnelle de 2016 octroie-t-elle une nouvelle dimension aux élections législatives ?

En théorie, la réponse serait oui car cette révision constitutionnelle donnait davantage de prérogatives au Parlement. Cependant, dans les faits, celui-ci reste simplement et malheureusement une chambre d’enregistrement. Cela est principalement dû au fait que les députés ne sont pas représentatifs car ils sont désignés, plutôt qu’élus. Cela ne leur donne donc ni une légitimité, ni une assise sociale qui permettent de s’exprimer en s’appuyant sur des électeurs.

Ainsi, on observe toujours une distorsion entre les textes et les faits. Or, il est préférable de s’attacher aux réalités plutôt qu’aux mots. Et la réalité, c’est que malgré cette réforme constitutionnelle, le Parlement n’a pas acquis la légitimité de représentativité qui devrait être la sienne.

Les observateurs s’attendent donc encore à un fort taux d’abstention. Comment expliquer ce désintérêt de la population algérienne envers ces élections ?

Pour toutes les raisons déjà évoquées, les Algériens se sont depuis longtemps détournés de la politique. À partir du moment où les élections ont une fonction de représentation du régime et non pas de représentativité de la société, pourquoi les Algériens se mobiliseraient-ils ? Ils disent constamment que la politique ne sert à rien, que les élus ne sont là que pour se servir eux-mêmes, etc.

Il faut aussi rappeler que le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a été élu pour un quatrième mandat alors qu’il est malade et qu’il n’a pas fait campagne. Face à ce président « fantôme » et cette absence de représentation, 40 millions d’Algériens s’estiment humiliés et ne se sentent donc pas concernés par la vie politique.

On assiste donc à une forme de désespoir social, qui s’exprime aujourd’hui de façon nihiliste par la violence des confrontations permanentes contre l’État et ses symboles. Il est très difficile de retisser le lien entre les Algériens et la politique. Or, le problème est que le pouvoir ne tente de le faire qu’au moment des échéances électorales. Les cinq années précédentes, le gouvernement n’a lancé aucune grande campagne de mobilisation ou de sensibilisation sur l’importance de participer aux élections et de s’inscrire sur les listes électorales. Aujourd’hui, ce n’est donc que soudainement que l’on assiste à une mobilisation du pouvoir sur ces questions. Une personne a même été traduite devant la justice pour avoir appelé au boycott. Dans ces conditions, difficile de considérer l’Algérie comme un État démocratique ou comme un État de droit.

Certains petits partis d’opposition appellent à boycotter ces élections pour protester contre leur manque de transparence. Leurs craintes sont-elles justifiées ?

Oui, c’est justifié et compréhensible. Ces partis considèrent qu’il n’y a plus rien à attendre de ce régime et que la participation aux élections a surtout pour vocation de le légitimer et non pas de participer à un processus démocratique. On peut donc certes comprendre ce boycott. Néanmoins, la politique de la chaise vide est toujours un mauvais choix. En effet, il est toujours important d’être dans l’arène, afin d’y faire valoir ses points de vue vis-à-vis de ses compatriotes et non pas seulement envers les représentants politiques. Il ne s’agit pas de porter de jugement de valeur sur le boycott mais de rappeler que le contexte rend important d’échanger et de profiter de toutes les occasions données pour diffuser ses idées.
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