ANALYSES

« Quitter l’Otan ne ferait qu’isoler la France »

Presse
11 avril 2017
Interview de Jean-Pierre Maulny - L'Obs











L’Otan a été créé dans un contexte de guerre froide. Cette organisation n’est-elle pas obsolète aujourd’hui ?

Cette question s’est posée à la fin de la guerre froide, au début des années 1990, et il n’y a pas eu de dissolution de l’Otan à ce moment-là car on a considéré qu’il était utile de maintenir un lien transatlantique en matière de sécurité : une sorte d’assurance tout risque symbolisée par la clause d’assistance mutuelle en cas d’agression du traité de l’Atlantique Nord. Aujourd’hui, alors que les menaces sont plus nombreuses qu’au début des années 1990, l’intérêt de supprimer l’Otan apparaît plus faible.

Depuis la fin de la guerre froide, l’organisation doit justifier son existence ce qui conduit cette organisation à sur-valoriser les menaces potentielles. Toutefois, même la France et l’Allemagne, qui ont une attitude de compréhension vis-à-vis des intérêts de sécurité de la Russie, sont de plus en plus inquiètes face à la posture militaire de plus en plus agressive de la Russie. Les cyberattaques, la désinformation, les sous-marins proches de nos côtes et les survols près de nos frontières des avions de chasse russes sont en train de faire changer les positions française et allemande, deux pays qui jouent pourtant le rôle de négociateurs dans la résolution de la crise ukrainienne. On retourne progressivement à un contexte de guerre froide.

Que changerait un hypothétique retrait de la France de l’Otan ?

Un tel retrait aurait des conséquences au niveau européen. Quitter l’Otan ne ferait qu’isoler la France en Europe. Quitter le commandement militaire intégré de l’organisation, en revanche, ne changerait pas grand-chose, tout au moins au plan politique, de même que notre retour en son sein [en 2009, NLDR] ne nous a pas énormément apporté. Car l’influence de la France dans l’Otan reste très négligeable. Nous pouvons toujours dire non, refuser des décisions, mais nous ne pouvons être force d’initiative au sein de l’Otan. Ce sont les Etats-Unis qui décident, ce sont eux qui contribuent à hauteur de 65% a l’effort de défense au sein de l’Alliance atlantique.

Plusieurs candidats dénoncent le fait que notre place dans l’Otan nous pousse à participer aux guerres des Etats-Unis, voire à être inféodés à la politique extérieure américaine.

On ne peut pas dire ça, car l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, qui est la base de la fondation de l’Otan, parle d’une assistance mutuelle militaire, mais cette dernière n’est pas obligatoire. Les Etats sont libres ou non d’assister un pays et ils sont libres de déterminer eux-mêmes les moyens d’assistance qu’ils fourniront. Une deuxième règle régit l’organisation, celle de la règle du silence dans la prise de décision. Tout Etat est libre de rompre le silence et de refuser de participer à une opération militaire : notre politique de défense n’est donc pas contrainte par l’Otan. Ainsi, seule une dizaine de pays sur les 28 membres que comptait cette organisation ont pris part à l’opération militaire en Libye en 2011. Les règles de décisions sont donc moins contraignantes qu’on ne peut le penser.

L’argument de certains candidats, qui dénoncent le rôle politique de l’Otan et sa supposée russophobie viscérale, est-il justifié ?

Il est vrai que l’Otan a tendance à sur-valoriser la menace russe tout simplement pour conforter son existence, ce qui n’aide pas au dialogue, à la résolution du conflit ukrainien et surtout place l’organisation dans une position qui peut être interprétée comme offensive et non uniquement défensive. Mais il ne faut pas sur-valoriser l’Otan non plus.


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