ANALYSES

Les questions stratégiques, un enjeu essentiel de l’élection présidentielle

Presse
23 février 2017
Le 7 mai 2017, la France se choisira un nouveau président de la République. Il sera chef des armées et décidera des grandes orientations stratégiques du pays. Pour le moment, la campagne électorale reste pourtant basée sur la personnalité des candidats et les questions économiques et sociales. Les affaires internationales sont peu évoquées jusque-là.

La politique étrangère française n’est pas clivée entre gauche et droite mais entre les partisans d’une ligne gaullo-mitterandiste d’un côté et atlantiste ou occidentaliste de l’autre.

La ligne gaullo-mitterandiste
Les gaullo-miterrandistes estiment que la France ne se résume pas à son statut de pays occidental : si elle l’est, elle ne l’est pas uniquement et a un rôle tout à fait spécifique à jouer avec les pays du Sud hier, émergents aujourd’hui. C’est ainsi qu’elle peut augmenter ses marges de manœuvre et peser plus sur la scène internationale. Elle doit maintenir une ligne indépendante et ne pas faire partie d’un système d’alliance figé qui vient, par une obligation de solidarité en toutes circonstances, l’empêcher d’agir et penser de façon indépendante. Elle n’est forte que lorsqu’elle prend en compte l’intérêt général compatible avec son intérêt national du fait de sa spécificité : un pays, une vision plus large, globale du fait de l’Histoire, mais n’ayant plus l’illusion de pouvoir imposer ses vues aux autres. En le faisant, les États-Unis créent des oppositions ; l’Allemagne, pour des raisons historiques, n’a pas de vision globale ; la Russie et la Chine n’incarnent pas des valeurs universelles.

La ligne atlantiste ou occidentaliste

Les atlantistes hier, occidentalistes aujourd’hui, pensent, eux, que la France se définit avant tout par son appartenance à une famille politique à l’égard de laquelle elle se doit d’être solidaire. Si une menace met en cause son existence, sa survie ou son indépendance, elle doit accepter de se mettre en ordre de bataille derrière un leader plus puissant et plus fort qu’elle. Hier, les atlantistes plaidaient pour que, face à la menace communiste, on se range sans barguigner derrière la puissance américaine. Aujourd’hui, les occidentalistes plaident dans le même sens, face au retour de la Russie, à la menace de la Chine et, bien sûr, à la menace terroriste, islamiste ou djihadiste, sans que ces notions soient toujours définies ou précisées. Ils pensent également que la civilisation occidentale est moralement supérieure aux autres et qu’il est dans l’intérêt du monde (et du nôtre) d’imposer nos vues aux autres pays qui, trop souvent, sont des dictatures. Pendant très longtemps, ils ont jugé utile de les imposer par la force mais les récents déboires des interventions militaires menées par les pays occidentaux ont très largement limité les attraits de l’ingérence.

Être crédible aux yeux des Français

Les candidats les plus proches des thèses occidentalistes. Nicolas Sarkozy – (à droite) et Manuel Valls (à gauche) – n’ont pas gagné les primaires (de leur parti). Benoît Hamon (Parti socialiste), Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche) et François Fillon (Les Républicains) incarnent plus une ligne gaullo-mitterrandiste, même si sur la question de l’islam, ce dernier s’est rapproché des occidentalistes. Un autre candidat, Emmanuel Macron, n’a pas encore exprimé de choix clair sur le sujet, évoquant une filiation gaullo-mitterrandiste mais reprenant les thèses israéliennes sur le Proche-Orient. Quant à la candidate d’extrême-droite, Marine Le Pen, elle serait plus marquée par l’occidentalisme, à l’exception de sa volonté d’un rapprochement franco-russe.

Les questions stratégiques ne font pas gagner une élection présidentielle mais peuvent la faire perdre. Un(e) candidat(e) qui ne serait pas suffisamment crédible aux yeux des Français, pour les représenter dans le monde et/ou défendre les positions du pays, aurait peu de chance d’être élu. Il faut espérer que les questions stratégiques seront abordées clairement et franchement par les candidat(e)s. L’enjeu est essentiel.

Pascal Boniface vient de publier : Je t’aimais bien tu sais : le monde et la France : le désamour ? (Max Milo).
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