ANALYSES

Expansionnisme chinois et nervosité japonaise ou coréenne : une guerre en Asie deviendrait-elle nécessairement une guerre mondiale ?

Presse
25 décembre 2016
Le Japon a récemment approuvé un programme de remilitarisation et de rééquilibrage de ses dépenses militaires, à l’aulne des tensions avec la Chine. Dans quelle mesure un conflit en Asie pourrait-il prendre une ampleur mondiale ?

Il est important de réaliser, dans un premier temps, que des alliances existent. Or, en Asie la Chine n’a aucun allié. Elle a des rapports militaires avec le Pakistan, ainsi qu’un traité d’alliance sans réalité pratique avec la Corée du Nord.
À côté de ces deux éléments il n’existe pas d’alliance militaire chinoise.
En face, le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis sont liés par de vrais traités d’alliance. Cela sous-entend non seulement des interactions militaires, mais également des capacités de coopération ainsi qu’une réaction automatique en cas d’agression d’un des partenaires. D’autre part, les États-Unis et Taïwan partagent le Taïwan relation act, toujours en vigueur aujourd’hui. Ce traité, qui n’a pas l’air d’être remis en question, engagent les États-Unis à garantir la sécurité de Taïwan le cas échéant. Par conséquent, il est indéniable que les États-Unis sont très impliqués à un niveau législatif et presque constitutionnel avec un certain nombre de pays d’Asie susceptibles de se retrouver en situation de conflit avec la Chine.
À défaut de dimension proprement mondiale, un conflit opposant la Chine à l’un des pays cité impliquera donc naturellement les États-Unis. Cette implication ne sera pas forcément la même pour tous les pays concernés : si le Japon ou la Corée du Sud entrent en guerre avec la Chine, on peut s’attendre à ce que Washington agisse de façon très directe. En revanche, si le conflit ne concerne que Taïwan, il est probable que cette action soit moins visible. Les pressions seront nombreuses, néanmoins. En outre, tout ce qui est lié à la conception que peuvent avoir les États-Unis de certaines libertés mondiales (respect des traités, dont certains ont été signés par la Chine) entrent également en jeu. Leur violation pourrait les amener à intervenir, particulièrement s’il se passe quelque chose en Mer de Chine du sud ou en Mer de Chine de l’est.
A l’heure actuelle, il me semble très difficile de définir correctement ce qui constitue un conflit mondial. Est-ce que ce qui se passe en Syrie, où la quasi-totalité des grands pays d’Occident et du monde ex-soviétique sont impliqués, est un conflit mondial ? Il me semble que le terme est probablement un peu galvaudé. La question c’est celle de la définition du conflit « mondial » : est-ce qu’avoir plus de trois pays issus de trois continents sur un seul conflit le mondialise-t-il ? À mon sens, il s’agit surtout d’un terme journalistique : on n’assiste pas à une guerre opposant une moitié du monde à l’autre.

Quelles seraient les conséquences d’un conflit armé en mer de Chine ? Qui impliquerait-il sur le plan direct et comment impacterait-il les acteurs plus indirects ?

La Mer de Chine de l’ouest constitue la principale route d’approvisionnement énergétique de la Corée du Sud, du Japon et de la Chine. Ces trois pays sont déficitaires sur le plan énergétique. Il passe aussi de nombreuses autres choses : un conflit aurait donc des conséquences directes sur le fonctionnement quotidien, au jour-le-jour, de ces trois nations.
Il est très difficile de dire quel pays souffrirait le plus d’un conflit en Asie. Comme pour les pans de l’économie, qui ne s’effondreraient pas de façon unie mais qui s’égrèneraient petit à petit, il est probable que le conflit ne soit pas total et brutal immédiatement. Il devrait monter en puissance et toucher certains pans mais pas d’autres. Naturellement, on trouvera des perdants et des gagnants à l’intérieur de chaque nation.
À partir du moment où le conflit bloque la Chine, ce conflit touchera naturellement le reste du monde. La Chine est désormais l’usine du monde. Si celle-ci s’arrête, cela signifie mécaniquement que tout ce qui est produit exclusivement par la Chine ne sera plus approvisionné. Ça n’est évidemment pas sans impact sur nos économies. L’interdépendance implique qu’un effondrement de l’économie chinoise – et il n’y a pas vraiment besoin de conflit pour que cela arrive – frapperait sévèrement les nôtres.
Il y a 30 ans cela n’avait aucune importance puisque le commerce extérieur chinois était comparable au commerce extérieur belge. Nous n’en sommes plus du tout là. Les répercussions, si elles sont difficiles à quantifier, seront ressentie dans le monde entier.

Quels sont aujourd’hui les obstacles à un tel conflit ? Sur quels garde-fous peut-on encore compter ?

Le premier des garde-fous qui fait obstacle à l’émergence d’un tel conflit, c’est clairement la crainte que la Chine éprouve à l’idée d’une de l’ensemble de la communauté internationale. Elle ne souhaite absolument pas que des mesures de rétorsions soient prises à son encontre. La Chine est comme un château bâti sur des fondations peu solides et elle en a conscience. Si les fondations en venaient à se briser, et ce pour des raisons internes comme le craint le régime, ou pour des raisons externes, le château finirait mécaniquement par s’effondrer. Or, il le ferait avant tout sur lui-même et sur ses occupants. Pas tellement en éclaboussant les côtés.
D’autres garde-fous existent aussi. On peut largement souligner la montée (ou la remontée) en puissance d’autres pays asiatiques, comme c’est le cas du Japon par exemple. Tout évolue très vite là-bas et les relations fluctue. Duterte, par exemple, qui affiche une antipathie prononcée à l’égard des Etats-Unis et une attirance pour la Chine fait sans cesse machine arrière par l’intermédiaire de ses ministres. D’autres pays, comme le Vietnam ou la Malaisie hésitent encore quand il s’agit de se positionner. Tout peut bouger très vite et est fait de nombreuses nuances.
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