ANALYSES

Dette grecque et Eurogroupe : François Hollande peut-il encore sauver l’honneur de son quinquennat ?

Presse
16 décembre 2016
Interview de Rémi Bourgeot - Atlantico
Ce jeudi, la France s’est opposée à la décision de l’Eurogroupe de suspendre le programme d’allègement de la dette grecque. François Hollande peut-il avoir une position de force vis-à-vis d’Angela Merkel sur ce dossier ? Dans quelle mesure le contexte européen (vague populiste), et son contexte personnel (non-candidature à l’élection présidentielle) jouent-ils en sa faveur ?

Les décisions relatives à la gestion de la zone euro sont centralisées à Berlin depuis 2010. Dans les cas extrêmes néanmoins, comme à l’été 2015 lorsque le gouvernement allemand envisageait d’exclure la Grèce, les gouvernements des autres grands pays de la zone, comme la France, doivent dans une certaine mesure apporter leur assentiment. En 2015, François Hollande s’était ainsi formellement opposé à l’expulsion de la Grèce.

Dans le contexte électoral allemand, Angela Merkel ne doit pas manquer une occasion d’envoyer des signaux populistes à son électorat, face à l’AfD, et de montrer qu’elle ne fait aucune concession significative sur le dossier du mauvais élève grec. Evidemment, d’un point de vue économique, cela n’a guère de sens. Avec une dette publique à plus de 175% du PIB et une économie extrêmement fragile, la Grèce est insolvable. Tout le monde le sait depuis des années, notamment le FMI qui rechigne de plus en plus à participer à cette mascarade.

Merkel et Schäuble veulent néanmoins démontrer qu’un gouvernement étranger qui fait appel au contribuable allemand abandonne automatiquement toute forme de souveraineté financière, a fortiori si l’on évoque une quelconque forme d’allègement de dette. Pour autant, ils sont en fait obligés de faire quelques concessions pour trouver un compromis non pas tant avec la Grèce ou la France qu’avec le FMI.

De son côté, le gouvernement français veut à tout prix défendre le cadre de l’euro et, à ce titre, essaie simplement d’influencer la position allemande à la marge. Paradoxalement, Hollande défend ainsi les intérêts commerciaux allemands contre le populisme allemand dont Merkel et Schäuble doivent se faire l’écho. La non-candidature de Hollande pourrait lui permettre un style plus détaché mais la situation de fond reste à peu près inchangée.

François Hollande pourrait-il s’appuyer sur la droite dans cette opération « coup de poing » ? Néanmoins, quelle est la probabilité que cette dernière le soutienne ?

La question du positionnement de la droite est intéressante et complexe à la fois. Juppé aurait été exactement sur la même ligne technocratique que Hollande, c’est-à-dire une volonté de modérer Merkel pour au final mieux défendre les intérêts commerciaux allemands. La figure de Fillon est plus complexe. Il propose un programme économique d’adaptation radicale au cadre de la zone euro emmenée par l’Allemagne (ce qui serait en fait néfaste pour la croissance allemande). En même temps, Fillon est assez inquiétant pour le gouvernement allemand sur le plan culturel du fait de son passé souverainiste (bien qu’il en soit aujourd’hui éloigné), de son anglophilie sincère et de sa volonté de réalisme géopolitique.

L’establishment allemand ne s’y trompe pas, en chérissant Macron, qui propose un alignement complet sur Berlin, mais, contrairement à Hollande, dans la joie et la bonne humeur du « progressisme » et de la « modernité ».

Dans l’ensemble, les politiciens français de droite comme de gauche comprennent la nécessité d’une restructuration de la dette grecque, quelle que soit leur position sur l’euro. Il se peut que des responsables politiques de droite critiquent de-ci de-là Hollande sur cette question dans le contexte de la présidentielle. Mais dans le fond, le rapport au populisme allemand n’est pas, en France, une question de droite ou de gauche.

Quelles sont les implications réelles du positionnement de la France sur ce dossier ? Cette opposition à l’Allemagne n’est-elle pas un peu tardive ? Peut-on considérer que François Hollande a manqué la véritable occasion qu’il avait de réformer l’Europe et d’infléchir les positions allemandes en refusant de se rallier à Matteo Renzi ?

Il s’agit depuis le début de la crise de l’euro d’une volonté de modération de l’Allemagne à la marge pour éviter l’éclatement de la zone, non pas d’une véritable opposition sur la politique économique. Quiconque se frotte au monde politique allemand sait que l’idée d’une véritable coordination macroéconomique dans le cadre de l’euro est exclue. Dans le fond, les Allemands n’ont jamais vraiment aimé l’euro. Il leur a été imposé par la bureaucratie française sous l’égide de François Mitterrand en échange du soutien français à la réunification allemande. Une fois l’euro mis en place, les sociaux-démocrates alors au pouvoir n’ont pas perdu un instant pour abaisser le coût du travail et relancer par les exportations l’économie allemande affaiblie, sur le dos de l’Europe. Mais l’euro reste avant tout un totem français, bien que l’establishment hexagonal commence à comprendre que le couple franco-allemand est mort et que l’Allemagne n’acceptera jamais une structure fédérale de gestion de l’euro. A cet égard, la violence des négociations sur la dette grecque en 2015 a marqué un tournant dans les esprits. Néanmoins, aucune alternative politique sérieuse n’a encore vu le jour, ni en France ni en Italie. Hollande et Renzi ont suivi la même approche d’alignement sur Berlin tout en modérant les accès de populisme du duo Merkel-Schäuble quand cela menaçait directement la survie de l’euro.
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