ANALYSES

Candidats à la présidentielle : une endogamie problématique

Presse
12 décembre 2016
Tous les candidats à la présidentielle, à gauche comme à droite, à l’extrême droite et jusqu’aux candidats qui se proclament hors système, affichent la même extraction sociale. Un symptôme emblématique du malaise démocratique.
Les primaires, un progrès démocratique ? Si la pluralité de l’offre politique peut se discuter à l’occasion des primaires de droite et de gauche, l’absence de pluralisme dans le profil des candidats ne fait pas débat. Les primaires sont révélatrices de cette pathologie prégnante de notre démocratie représentative toujours marquée par une « endogamie endémique ». Celle-ci symbolise une classe politique fermée sur elle-même et réduite au profil-type de l’homme blanc de plus de 50-60 ans.

Le caractère homogène et monolithique de la photographie des candidats des primaires de la droite comme de la gauche atteste d’une mue de la démocratie en «aristoligarchie» sociale, sexuée et «ethno-raciale». Personne — ou presque — ne s’en offusque publiquement. Certes, l’autocritique n’est pas chose naturelle chez nos politiques. Plus grave est l’incapacité des commentateurs politiques — journalistes et éditorialistes de la presse écrite et des médias audiovisuels — à souligner cette pathologie. Et si ce silence était un silence coupable au regard de l’homogénéité qui règne également dans les salles de rédactions et autres plateaux TV… ? L’effet de miroir (hommes politiques/journalistes politiques) est édifiant.

Les prétendants auto-institués «hors système» ou issus «de la société civile» (de quoi parle-t-on, d’ailleurs ?) n’échappent pas au phénomène de clonage à la société politique. Vouloir représenter la «société civile» n’est à ce jour que pure déclaration incantatoire. Jacques Cheminade, Jean Lassalle, François Asselineau prétendent-ils sérieusement représenter la société française de 2016 ? Le romancier Alexandre Jardin, véritable produit médiatique, est présenté par ces mêmes médias comme issu de la société civile et source d’un renouvellement de la vie politique… Sérieux ?

La persistance de critères archaïques d’accès à la représentation politique, comme l’hérédité, jette le doute sur la capacité de notre système politique à se démocratiser. L’hérédité joue encore un rôle dans l’accès à un premier mandat électif, comme si les milieux politiques contrôlaient leur propre recrutement. C’est en particulier le cas des femmes politiques, confrontées à l’absence ou à la fiction de la parité. La seule femme en capacité de se présenter pourrait être Marine Le Pen, qui est avant tout issue d’une dynastie politique, la «PME Le Pen». Pour s’en tenir aux candidates à l’élection présidentielle, si le cas de Marine Le Pen semble caricatural, il est significatif sans être isolé. Ainsi, Nathalie Kosciusko-Morizet symbolisait l’exception au sein de la «primaire de droite et du centre», la députée appartient à une longue lignée d’élite élue : un père maire de Sèvres et conseiller général des Hauts-de-Seine, un grand-père maire de Saint-Nom-la-Bretèche (Yvelines) de 1977 à 1994, un arrière-grand-père sénateur de la Seine de 1927 à 1942 et maire de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)… Candidate de droite mais «hors primaire», Michèle Alliot-Marie est la fille de Bernard Marie, ancien député des Pyrénées-Atlantiques (dont elle fut la suppléante au Palais Bourbon de 1978 à 1981) et maire de Biarritz, un ancrage local dont elle a hérité…

Au-delà de la seule élection primaire, cette problématique se pose en des termes aigus pour les élections législatives. La résorption de la fracture/défiance entre les citoyens et les politiques suppose d’améliorer la représentativité de la représentation nationale. À l’Assemblée nationale, avec près de 40% de nouveaux députés élus, les résultats des dernières élections législatives (juin 2012) semblaient amorcer un renouvellement générationnel, prolongé par des progrès significatifs de la parité et l’entrée «en force» de la «diversité» au Palais Bourbon. En fait, la morphologie du corps législatif demeure en décalage avec le corps social. La prééminence de l’homme blanc âgé et issu des classes sociales supérieures a pour pendant la sous-représentation des jeunes, des femmes, des «minorités visibles» et de certaines catégories socioprofessionnelles (ouvriers et employés en particulier). Notre assemblée confirme le primat du critère social sur tout autre (la jeunesse, le sexe, les origines «ethniques») dans la sélection des élites élues. L’alternance politique annonce une nouvelle régression en la matière, qui semble elle-même en annoncer une autre…
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