ANALYSES

Après le sommet de Bratislava, quels sont les enjeux et les risques de l’Europe de la défense ?

Presse
4 octobre 2016
Avant de se poser la question de savoir quels sont les enjeux de l’Europe de la défense, il faut d’abord se demander ce que recouvre cette Europe de la défense. Celle-ci réside principalement dans deux clauses d’assistance commune entre alliés. La première de ces clauses d’assistance commune est celle de l’article 5 de l’Otan, cette organisation comprenant 21 des 28 membres de l’Union européenne (UE), la seconde figure dans le traité de Lisbonne à son article 42-7. Cette dernière clause a été invoquée pour la première fois par le président de la République François Hollande au moment des attentats du 13 novembre 2015. Par ailleurs, il y a environ 400 personnes dans les institutions de l’Union européenne dédiées à la défense de l’UE, à comparer aux près de 10.000 personnes affectées aux mêmes tâches dans l’Otan. C’est également 33 opérations extérieures, depuis 2003, dont 16 en cours. Encore faut-il ajouter que 10 des opérations actuelles sont des opérations civiles et non militaires. Par cette présentation, on comprend que l’Europe de la défense représente peu de choses aujourd’hui, notamment par rapport à l’Otan, et que la question que l’on peut se poser est, de ce fait, « qu’est-ce qu’on peut faire de plus ? » et non « qu’est-ce qu’on peut faire de moins ? » Encore faut-il répondre à la question : « Est-il nécessaire de faire plus ? »

La première raison qui justifierait un développement de l’Europe de la défense est que les Européens font face à des défis de sécurité auxquels les réponses au niveau national ne suffisent plus. On pense notamment aux défis du terrorisme pour lesquels il est nécessaire que les services de renseignements européens coopèrent mieux. En second lieu, il est nécessaire que les Européens inscrivent leurs efforts communs en matière de défense dans le cadre politique de l’UE et non dans le cadre de l’Otan, cette dernière organisation restant dominée par la puissance américaine. Or, les intérêts politiques et de sécurité des Américains ne sont pas toujours similaires à ceux des Européens. D’un autre côté, les garanties de sécurité des Américains ne peuvent que diminuer dans le futur comme on l’a vu sous la présidence Obama. Il faut d’ailleurs voir cela plus comme une chance devant inciter les Européens à mieux prendre leur destin en main qu’un inconvénient.

En troisième lieu, les Européens doivent plus coopérer pour leur défense. Plus aucun pays n’a la capacité de développer un outil de défense complet. Il faut nécessairement mettre nos moyens en commun si nous voulons renforcer notre sécurité. Le Brexit est une opportunité dans ce sens car les Britanniques bloquaient toute initiative européenne en matière de défense, privilégiant en toutes circonstances l’Otan. Les dirigeants européens l’ont bien compris lors du sommet de Bratislava (Slovaquie) le 16 septembre en prônant une relance de cette Europe de la défense mais il reste désormais à mettre en œuvre des propositions concrètes, et ce, alors que ce dossier est en panne depuis plus de dix ans. L’Europe de la défense est-elle alors la panacée ? Certes non et des menaces planent sur cet édifice. Les différences de perception des Européens en matière de sécurité que l’on constate aujourd’hui constituent tout à la fois un frein à la relance de l’Europe de la défense mais également un risque en cas d’intégration plus poussée des armées européennes. Pour les pays d’Europe centrale la menace est à l’est avec la Russie, pour les pays d’Europe du Sud la menace est principalement liée au terrorisme djihadiste. Il existe donc un risque de paralysie de la politique étrangère et de défense de l’UE, et par-delà de celle des États membres qui constituent l’Union, du fait de ces divergences politiques. Et, de fait, c’est ce sentiment de paralysie qui prédomine aujourd’hui dans la gestion des dossiers russe et proche-oriental. Soit l’Union européenne est absente, cas du Proche-Orient, soit elles emble paralysée, cas de la Russie. Et cette paralysie finit par atteindre les États eux-mêmes. Il faut donc que l’UE remédie à ce risque d’impuissance si les États veulent continuer d’avancer en son sein.
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