ANALYSES

Que peut apporter le Forum social mondial ?

Presse
9 août 2016
Interview de Eddy Fougier - La Croix
Le 12e Forum social mondial se tient du 9 au 14 août à Montréal (Canada). Apparu en 2001 à Porto Alegre (Brésil), ce rendez-vous mondial de l’altermondialisme rassembla plus de 100 000 personnes à son apogée, au milieu des années 2000. Cette année, quelques dizaines de milliers de personnes seulement sont attendues. Entretien avec Eddy Fougier, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Propos recueillis par Nathalie Birchem.

« Les Forums sociaux mondiaux intéressent beaucoup moins, c’est une évidence. Au-delà de l’affluence, qui s’est tassée, l’intérêt médiatique s’est beaucoup érodé.

Le premier Forum social mondial (FSM), qui s’était tenu en 2001 à Porto Alegre, avait suscité une grande curiosité. Il faisait suite à une série de mobilisations en marge des réunions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), comme à Seattle en 1999, qui avaient beaucoup mobilisé les médias. Organisé au départ en même temps que le célèbre Forum économique mondial de Davos, le FSM se présentait comme le rendez-vous de ceux qui croient qu’une alternative au libéralisme est possible.

Perte de vitesse

Le mouvement a atteint son apogée au milieu des années 2000. Les FSM avaient alors toute une série de déclinaisons thématiques, avec des forums sur l’eau, sur l’éducation, etc., et régionales, comme le Forum social européen de 2003, à Paris.

Le mouvement était aussi incarné par des figures charismatiques, comme José Bové. Et on voyait des candidats à l’élection présidentielle s’y presser. Surtout, ses revendications ont commencé à l’époque à être regardées de près. L’annulation de la dette a été mise à l’agenda international. Et la taxe Tobin sur les transactions financières, considérée comme infaisable au départ, a été prise au sérieux (1). En France, Jacques Chirac s’en est inspiré pour sa taxe sur les billets d’avion.

Pourtant, tout est plus ou moins retombé. En France, la crise d’Attac, ONG phare de l’altermondialisme, qui a connu en 2006 un problème de fraude électorale, n’a pas aidé. Parmi les autres figures du mouvement, José Bové, élu député européen, est devenu un homme politique comme les autres.

Les idées altermondialistes continuent d’irriguer le débat

Bref, le mouvement n’a pas eu de débouché concret, même si certains, chez les altermondialistes ont soutenu les présidents brésilien Luis Inacio Lula da Silva, le Bolivien Evo Morales, ou le Vénézuélien Hugo Chavez… Certains ont pu dire que le mode d’organisation des FSM, qui refusent tout porte-parole et toute conclusion programmatique, y est pour quelque chose.

Pourtant, il serait faux de dire que les FSM ne représentent rien. J’ai assisté en avril à une conférence sur l’alimentation et il était manifeste de constater que le discours altermondialiste est entré dans la tête d’un grand nombre de personnes. Un peu comme les écologistes, dont les idées progressent mais pas le parti, les idées altermondialistes continuent d’irriguer le débat.

On peut considérer que des mouvements comme les Indignés, Nuit debout, ou les zadistes, sont des rejetons de la génération FSM. Plus généralement, certes, l’altermondialisme n’a rien donné à l’échelle macroéconomique. Mais, à l’échelle locale, il continue d’inspirer de très nombreuses micro-initiatives, ou communautés alternatives, convaincues par l’idée qu’« Un autre monde est possible », selon le slogan altermondialiste. »

(1) En Europe, le projet de dix pays de créer une taxe sur les transactions financières, est au point mort.
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