ANALYSES

Sommet de l’Otan : dialogue ou confrontation ?

Interview
7 juillet 2016
Le point de vue de Pascal Boniface
Dans quel contexte géopolitique débute le Sommet de l’OTAN qui se déroule les 8 et 9 juillet à Varsovie ?

Le Sommet de l’Otan va s’ouvrir dans un contexte extrêmement tendu entre les pays membres de l’Alliance et la Russie. Ce climat géopolitique troublé a des sources anciennes. La Russie s’oppose aux Occidentaux sur bien des dossiers. La guerre en Géorgie et nos différends sur la Syrie viennent alimenter cela. Mais c’est certainement la crise ukrainienne qui est véritablement venue empoisonner les relations entre la Russie et l’Otan.

Ceci étant, il serait faux d’évoquer une « nouvelle guerre froide ». Aujourd’hui, il n’y a pas deux blocs de puissance équivalente qui ambitionnent de se détruire mutuellement et qui défendent une vision antagoniste des relations internationales. Nous sommes plutôt dans une rivalité stratégique traditionnelle entre deux puissances aux capacités inégales.

Quelle est la réalité de la menace russe en Europe de l’Est, à laquelle se réfère le dernier exercice militaire d’ampleur de l’OTAN, « Anaconda » ? L’OTAN entretient-elle une stratégie de la tension avec la Russie à travers le renforcement des forces stratégiques de l’Europe ?

La Russie ne peut prétendre à la puissance des Etats-Unis sur le plan militaire, et encore moins rivaliser avec la puissance de feu des pays de l’Otan. Il n’y a donc pas de menace russe qui pèse sur les pays de l’Otan, même si la politique russe est brutale à l’égard de son voisinage.

Les membres de l’Otan adoptent deux attitudes différentes à l’égard de la Russie. Les anciens pays du Pacte de Varsovie, qui ont ensuite rejoint l’Alliance atlantique, la Pologne et les Pays Baltes en tête, voient dans la Russie une menace existentielle. Si cette perception peut paraître exagérée dans la mesure où le risque d’une intervention militaire russe dans ces pays est minime, il n’empêche qu’elle existe et qu’elle provoque une réalité stratégique. A l’inverse, les plus anciens membres de l’Otan, et notamment la France et l’Allemagne, considèrent la Russie comme un pays brutal à certains égards, mais surtout et avant tout comme un partenaire potentiel sur de nombreux sujets stratégiques.

Quant aux Etats-Unis, ils encouragent une attitude plus ferme à l’égard de la Russie. Si Barack Obama peut revendiquer un certain apaisement des relations américaines avec le reste du monde, sa politique de reset avec la Russie n’a pas fonctionné, notamment à cause de l’élargissement de l’Otan, ainsi que l’expansion du bouclier anti-missile jugé inacceptable par les Russes.

Face à la ligne dure privilégiée par les Etats-Unis, les pays européens doivent faire entendre leurs voix. Les ministres des Affaires étrangères allemand et français, Frank-Walter Steinmeier et Jean-Marc Ayrault, ont ainsi appelé à éviter une confrontation aveugle avec la Russie.

Faut-il réviser le logiciel idéologique de l’OTAN en Europe ?

L’Allemagne et la France ont mis en garde l’Alliance atlantique contre sa propre logique interne, qui conduit à nourrir la menace russe afin de justifier son existence. Même si le Secrétaire général de l’Otan a su mesurer ses déclarations à l’approche du Sommet de l’Otan, il adoptait il y a encore quelques mois un ton agressif. Là encore, les interventions de Jean-Marc Ayrault et de Frank-Walter Steinmeier ont contribué à calmer le jeu. A mon sens, il n’est ni nécessaire, ni indispensable, d’envoyer plusieurs milliers d’hommes supplémentaires en Europe pour contrer une éventuelle menace russe. Non seulement cette initiative n’est pas pertinente d’un point de vue tactique, mais elle alimente également les antagonismes et envoie des signaux négatifs à la Russie. Il faut désamorcer ce cercle vicieux qui favorise mutuellement les crispations russes et les démonstrations de force de l’Otan. Paris et Berlin doivent continuer à peser pour sortir de ce cercle vicieux.

L’Otan devrait faire le bilan de la mauvaise sortie de la guerre froide et de l’incapacité du monde occidental à faire de la Russie un partenaire. La dissolution de l’Otan aurait pu être entreprise lorsque sa raison d’être, le Pacte de Varsovie, a été démantelée. Cependant, les pays membres de l’Alliance ont préféré prolonger l’expérience et même l’élargir en l’absence de menace soviétique. Or, il ne faudrait pas que l’Otan, une structure autonome dont l’esprit et l’idéologie dépassent la somme de ses membres, nourrisse une self-fulfilling-prophecy en exacerbant le péril russe. Heureusement, les responsables de l’Otan et les responsables occidentaux semblent adopter un discours moins combatif qu’auparavant. Il faut espérer que ce Sommet ne se borne pas à constater, voire à accentuer, la montée des tensions, mais soit une véritable chambre de dialogue qui adopte un ton plus ouvert et rassurant.
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