ANALYSES

Irak : « L’attentat à Bagdad est lié à la reprise de la ville voisine de Fallouja »

Presse
4 juillet 2016
Interview de Karim Pakzad - 20 minutes
Daesh n’avait pas commis d’attentat aussi sanglant en Irak depuis un an. Comment peut-on décrypter cet événement tragique en plein cœur de Bagdad ?

Cet attentat est directement lié à la situation militaire en Irak et plus précisément à la reprise récente de la ville de Fallouja par l’armée irakienne. Depuis un an, on assiste à un recul net de Daesh dans les villes irakiennes. Tikrit, d’abord. Puis Ramadi. Et maintenant Fallouja. C’est en réponse à cette défaite militaire que cet attentat a été perpétré. Car Fallouja n’est pas une ville comme les autres pour Daesh.

Pourquoi ?

Fallouja est une ville symbolique située à 40 kilomètres à peine de Bagdad. C’est comme si Fallouja était dans la banlieue de Bagdad. C’était une ville à majorité sunnite. C’est là que la branche irakienne d’Al-Qaïda s’est formée en 2003 avant de devenir progressivement l’Etat islamique en Irak et au Levant puis l’Etat islamique. C’est donc une perte très symbolique pour les combattants de Daesh.

En conséquence, peut-on dire que cet attentat a été commis pour remobiliser les troupes de Daesh ?

Oui. Le mouvement veut réaffirmer qu’il existe. Comme tous les attentats, il s’agit d’un outil de communication interne. Daesh veut envoyer un signal à ses partisans en Egypte, en Libye, un peu partout. Il veut marquer les esprits. Daesh dispose encore de cellules à Bagdad. Le groupe aurait donc très bien pu attaquer un consulat. Mais là, il a choisi de s’en prendre à un marché très populaire en plein ramadan. Le but était de faire quelque chose de spectaculaire.

Cet attentat peut-il, à votre avis, déstabiliser le pouvoir en place en Irak ?

Je ne crois pas que ce type d’attentat va intimider. Au contraire, cela risque plutôt d’encourager l’État irakien à lutter contre Daesh, notamment en visant désormais la ville de Mossoul. Le Premier ministre irakien est soutenu par la population et la communauté internationale.
Quant à l’armée, elle ne ressemble plus à ce qu’elle était en 2014. La coalition internationale a aidé à fond à sa reconstruction et à sa formation. Quarante milliards de dollars ont été investis pour acheter de l’équipement. Elle dispose désormais d’hélicoptères et d’avions de combat de type F16. Tout cela concourt à penser que Bagdad et l’Irak sont aujourd’hui dans de meilleures conditions pour lutter contre Daesh que la Syrie voisine.
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