ANALYSES

Brexit : « La France a sa part de responsabilités dans le détricotage de l’UE »

Presse
12 juin 2016
Interview de - Le JDD
La campagne en faveur du Brexit a si bien résisté, qu’elle est à égalité avec le camp du maintien dans l’UE. Pourquoi ?
D’abord parce que le camp du Brexit a joué sur le mythe de la grandeur du Royaume-Uni. Même si le petit-fils de Churchill appelle à voter pour le maintien de la Grande-Bretagne dans l’UE, ceux qui ont la nostalgie de l’époque de son grand-père, les personnes âgées, modestes, les gens les moins éduqués ont tendance à se mobiliser pour voter, contrairement aux jeunes et aux électeurs des milieux favorisés. Ensuite, parce que, comme en 2005 en France, les électeurs veulent profiter de ce référendum pour protester contre le leadership de David Cameron. Enfin, parce que la presse europhobe est majoritaire en Grande-Bretagne et qu’elle est lue par des millions de gens qui jouissent davantage d’un sentiment de supériorité en Afrique ou en Asie, là où l’ex-empire rayonnait, plutôt qu’en Europe où ils n’aiment pas être sur un pied d’égalité.

N’est-ce pas aussi parce que David Cameron a fait une mauvaise campagne ?
Après avoir fait un mauvais choix, celui d’organiser ce référendum, il a fait une très mauvaise campagne. Entre la nostalgie de l’empire que j’évoque, les rivalités de politique intérieure et les vrais enjeux de l’avenir de l’Union européenne, il aurait dû comprendre qu’à toutes ces interrogations on ne peut pas répondre par oui ou par non. En outre, après avoir négocié avec Bruxelles un mini-Brexit en cas de maintien dans l’UE, il a littéralement pataugé pour convaincre des conséquences néfastes d’un maxi-Brexit.

Ne craignez-vous pas qu’en cas de victoire du Brexit il y ait un effet domino dans les autres pays tentés par une sortie de l’Europe ?
Non, le risque est davantage celui d’un détricotage de l’UE et la France y a sa part de ­responsabilité. Elle a été le moteur de l’Europe depuis le 9 mai 1950 et la déclaration Schuman, mais elle a cessé de l’être après la victoire du non au référendum de 2005. Si à l’époque elle avait relancé une Europe à deux vitesses, le référendum britannique n’aurait peut-être pas été initié. Aujourd’hui, c’est à la France de refonder ces deux cercles : l’un autour de la zone euro vers plus d’intégration économique et politique, mais sans laisser tomber le second. Pour ceux qui ne peuvent ni ne veulent entrer dans le noyau dur de l’UE, il faudrait parfaire le marché unique et embellir le projet sur les valeurs afin que chacun se sente plus à l’aise dans la grande famille européenne.

Propos recueillis par François Clémenceau
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