ANALYSES

Quelle réponse face à la menace terroriste ?

Interview
23 mars 2016
Le point de vue de Pascal Boniface
Après Madrid, Londres, Paris touchée par 2 fois, aujourd’hui Bruxelles… les Européens doivent-ils s’habituer à vivre avec la menace terroriste, comme l’a dit le Premier ministre français il y a quelques temps ? Est-ce une fatalité ?
Hélas, les Européens doivent s’habituer à vivre avec la menace terroriste. À cette liste, on pourrait ajouter le Danemark, l’attentat déjoué en Allemagne, etc. La question aujourd’hui n’est pas de savoir s’il y aura de nouveaux attentats mais où et quand ? Il est relativement facile d’organiser un attentat. Cela demande assez peu de matériel, une préparation qui n’est pas phénoménale et le nombre de recrues terroristes potentielles est abondant. En face, les services de sécurité peuvent bien sûr déjouer des attentats mais ils ne peuvent pas assurer une sécurité absolue. On ne peut pas contrôler totalement tous ceux qui prennent les moyens de transport les plus divers et variés, ni même protéger toutes les cibles potentielles car tout lieu accessible peut constituer une cible. Il nous faut donc vivre avec cette menace à la fois diffuse, permanente et globale. Mais si nous devons renforcer notre vigilance, il faut continuer de vivre, de sortir, de se déplacer car ce serait accorder une autre victoire aux terroristes que de céder à la terreur.

Les autorités européennes semblent démunies face à l’ampleur que semble prendre le phénomène terroriste djihadiste qui touche leur territoire. Les réponses à la menace terroriste apportées tant au niveau national qu’européen vous semblent-elles suffisantes ? La lutte contre le terrorisme djihadiste peut-elle être remportée ?
Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas que l’Europe qui est victime d’attentats. Au-delà des foyers traditionnels du Proche-Orient qui fournissent un nombre important de victimes, des attentats ont eu lieu récemment à Ouagadougou, Bamako, Abidjan, Istanbul, etc. Le terrorisme est également un phénomène globalisé. Il n’y a aucune destination, ni aucune ville, qui puissent être déclarées totalement à l’abri. Les différentes autorités nationales font tout ce qui est en leur mesure pour protéger les populations. Il est difficile, voire injuste, de leur reprocher les actes commis. Une fois de plus, il faut partir du principe que la sécurité absolue n’est pas possible.
La lutte contre le terrorisme djihadiste peut être remportée mais, malheureusement, pas à court terme. Ses sources majeures – les conflits non réglés du Proche-Orient et en premier lieu la guerre civile syrienne – ne sont pas près d’être résolues. Et lorsque ces conflits le seront, ils produiront encore pendant quelque temps des effets secondaires. Ainsi en est-il, encore aujourd’hui, de l’erreur tragique de la guerre d’Irak de 2003. A ce titre, ceux qui l’ont soutenu ouvertement sont assez mal placés pour nous dire quelle est aujourd’hui la meilleure façon de lutter contre le terrorisme.

Comment réagir ?
Je trouve que dans l’ensemble, les populations des pays qui ont été touchés par le terrorisme réagissent de façon pertinente. Dans leur très grande majorité, elles ne procèdent pas à des amalgames, ce qui est justement le but recherché par les terroristes. Elles ne cèdent pas non plus à la panique, autre objectif des djihadistes. Les Belges ont réagi avec une remarquable dignité et le message global que nous envoie l’immense majorité des témoignages est celui-ci : n’ayons pas peur, continuons à vivre. Les Parisiens en avaient fait de même auparavant.
Le hasard de déplacement m’a amené le mois dernier à Bamako, Istanbul et Abidjan, à chaque fois peu après les attentats qui y ont été commis. Il n’y avait pas une atmosphère de terreur dans ces trois villes. Les précautions étaient prises avec sérénité.
Nous sommes cependant face un défi majeur. Je ne suis pas un spécialiste des mouvements djihadistes mais tous les véritables spécialistes de ce sujet que je connais aussi bien en France qu’à l’étranger – et qui ne sont pas forcément ceux que l’on voit le plus sur les plateaux télévisés – me disent que les terroristes cherchent à conférer le plus grand impact médiatique et politique possible à leur action. Je suis bien conscient qu’il est impossible de ne pas parler des attentats. Cela nourrirait par ailleurs la théorie du complot. Il est légitime que les médias en parlent et que les responsables politiques prennent des décisions et les rendent publiques. Je reste néanmoins convaincu qu’il y a une réflexion collective à avoir sur la façon dont nous réagissons par rapport à ces événements. Ne tombons-nous pas dans le piège qui nous est tendu ? Plus on parle des attentats et plus on facilite le financement et le recrutement de ces mouvements.
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