ANALYSES

Iran : pourquoi Hassan Rohani et les modérés partent favoris

Presse
26 février 2016
Interview de Thierry Coville - Challenges
En quoi ces élections sont-elles cruciales pour la poursuite de la politique d’ouverture d’Hassan Rohani ?
Ces élections sont les premières depuis la signature en juillet de l’accord sur le nucléaire qui a abouti à la levée des sanctions contre Téhéran. Les électeurs doivent dire s’ils veulent la poursuite de cette politique d’ouverture ou au contraire s’ils sont favorables à un repli. C’est une compétition entre deux façons de voir l’avenir. L’enjeu pour Hassan Rohani, et donc pour les modérés, est d’obtenir un Parlement favorable, pour conduire cette politique d’ouverture. Actuellement, le Parlement est dominé en grande partie par les conservateurs qui ont mené une politique d’obstruction systématique à Rohani, obtenant notamment le renvoi de plusieurs ministres. Ce dernier a réussi la première partie de son mandat avec la levée des sanctions mais il doit maintenant réussir sur le plan intérieur en redressant la situation économique qui est catastrophique.

Quel est le rapport de force entre modérés et conservateurs ?
Même si de nombreux dirigeants modérés ont été écartés par le Conseil des gardiens de la constitution (un organe conservateur qui a un droit de veto sur tout candidat à des élections nationales en Iran, Ndlr), les partisans d’Hassan Rohani partent rassemblés. Les réformateurs et les modérés ont fait alliance autour d’une liste commune appelée « Omid » (« Espoir »). Cette alliance est soutenue par les anciens présidents Mohammad Khatami et Akbar Hachemi Rafsandjani qui ont un poids important dans l’opinion iranienne. Ils ont appelé à faire barrage à « l’extrémisme ». En face on retrouve une vaste coalition des conservateurs, c’est à dire ceux qui partagent les idées du guide suprême, Ali Khamenei.
Mais il y a un élément qui devrait favoriser les modérés et les réformateurs: le taux de participation. Le ministre de l’Intérieur iranien a déclaré ce matin qu’il pourrait atteindre 70% comme lors de la victoire d’Hassan Rohani en 2013. Et quand le taux de participation est élevé cela profite aux modérés.

L’opinion semble aussi favorable à Hassan Rohani…
Oui, je pense que les gens veulent vraiment faire barrage aux extrémistes. Hassan Rohani est populaire. Il a été élu dès le premier tour en 2013 et bénéficie de la levée des sanctions. Ses priorités sont économiques. Il doit vraiment sortir le pays d’une situation catastrophique notamment en attirant des investissements étrangers pour financer toute une série de réformes économiques et sociales avant la fin de son premier mandat en 2017. On verra aussi s’il s’attaque à la défense des libertés individuelles ou à la réforme du système pénal. Mais c’est plus improbable.

Si les modérés et les réformateurs deviennent majoritaires au Parlement, cela serait-il une première ?
Non. En 2000, sous Mohammad Khatami, le Parlement était à majorité réformatrice mais cela avait abouti à un blocage total du pays, le guide s’opposant constamment au Parlement. Là, le risque est plus limité car on a une alliance entre les conservateurs et les modérés ce qui n’était pas le cas en 2000.

Que faut-il attendre de l’autre élection, celle des membres de l’Assemblée des experts ?
C’est un scrutin très important car la rumeur court que le guide suprême serait malade et cette assemblée a le pouvoir de désigner le nouveau guide. Et puis quelques figures modérées, comme Hassan Rohani en personne et l’ancien président Rafsandjani sont candidats à ce scrutin. L’un comme l’autre pourrait d’ailleurs succéder à Ali Khamenei à l’avenir. Mais c’est une assemblée conservatrice et elle devrait le rester.

 

Propos recueillis par Antoine Izambard
Sur la même thématique