ANALYSES

Vives tensions entre la Russie et la Turquie : « Un risque d’escalade me paraît exclu »

Presse
25 novembre 2015
Interview de Didier Billion - La Provence
La Turquie a détruit hier un bombardier russe à proximité de sa frontière avec la Syrie. Quelles peuvent être les conséquences de cette action ?
Nous allons assister à une montée sensible de la tension mais il y a peu de risque que ça dégénère, que l’Otan (dont la Turquie est membre) soit impliqué, ni que ça modifie profondément les relations entre Ankara et Moscou, notamment économiques. Pour autant, la destruction du bombardier semble s’inscrire dans un contexte politique précis : celui de réduire la marge de manœuvre de la Russie dans la crise syrienne alors que Moscou dispose des meilleurs atouts, notamment en ayant déjà réussi à organiser deux conférences sur le conflit syrien à Cienne, pour peser sur l’avenir de ce pays.

Que peut faire Vladimir Poutine pour ne pas perdre la face ?
À défaut de lancer la Russie dans des représailles militaires, Vladimir Poutine peut sanctionner économiquement la Turquie, notamment grâce à l’arme du pétrole indispensable avec l’arrivée de l’hiver.

Cet « incident » remet-il en cause le « front » contre Daech?
Tactiquement, ça va rendre la création de ce front commun, défendu par Poutine à la tribune de l’Assemblée générale de l’Onu et voulu par Hollande, beaucoup plus compliquée. La coordination des actions militaires anti-Daech peut en souffrir. Pour autant, la volonté de trouver une solution politique à la crise syrienne reste intacte.

La Turquie, qui est souvent présentée comme une alliée des terroristes, n’a-t-elle pas torpillé sciemment ce processus ?
La Turquie a pris conscience en janvier du danger que Daech représente pour elle, d’où les arrestations massives de djihadistes, y compris turcs. Aujourd’hui, Ankara soutient un autre groupe anti-Bachar, l’Armée de la conquête -dont le Front al-Nosra (filiale d’al-Qaïda) est un membre essentiel – régulièrement visé par les Russes. Se voyant de plus en isolée concernant l’avenir de Bachar, Ankara surréagit. Pourtant, les Turcs, comme les Français l’ont fait, n’auront d’autre choix que d’évoluer sur la question de son départ.
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