ANALYSES

Le succès de la COP21 serait l’ébauche d’une véritable communauté internationale

Presse
25 novembre 2015
Le terme de « communauté internationale » est certainement l’un de ceux qui revient le plus souvent dans le vocabulaire lorsque l’on parle de relations internationales. Mais, malheureusement, on invoque beaucoup plus souvent ses échecs que ses succès. La « communauté internationale » estime, déplore, s’indigne, revendique, exige, mais produit assez peu de résultats tangibles et concrets. De la guerre civile en Syrie à la crise des réfugiés, du conflit israélo-palestinien à l’éradication de la pauvreté, c’est le plus souvent son impuissance qui est mise en avant.

Sans doute en partie parce qu’on a tendance à confondre « communauté internationale » et « communauté occidentale », ce qui, au-delà de l’erreur d’analyse, limite les possibilités de décision collective réellement commune. Mais également parce que, sur la plupart des sujets, les intérêts ne sont pas suffisamment communs, et que l’urgence n’est pas ressentie de la même façon pour enclencher une décision collective. Nous vivons bien dans un village global. Néanmoins, il n’y a pas de conseil municipal ou de maire qui puisse décider.

Le réchauffement climatique est certainement le sujet le plus grave pour l’avenir de l’humanité. C’est la possibilité de vivre sur Terre qui est en jeu. Il y a sur ce point un consensus, une quasi-unanimité entre les scientifiques, les ONG et les responsables politiques, tous pays confondus. Il y a également un accord pour dire que la dégradation du climat n’est pas due à une malédiction, mais bel et bien à l’activité humaine. C’est donc en agissant sur cette activité que l’on parviendra à lutter contre le réchauffement climatique.

Ce double constat partagé n’a pas encore, jusqu’ici, débouché sur une décision collective. C’est peut-être ce qui va se produire lors de la conférence des parties, COP21, qui va se tenir à Paris du 30 novembre au 11 décembre. Face à un diagnostic commun, les moyens à mettre en œuvre sont plus difficiles à trouver car chacun est dans une position particulière. Entre les pays émergents, qui estiment qu’ils ne doivent pas briser la croissance à laquelle ils ont droit, les pays développés qui ne se sont pas souciés de l’environnement auparavant, ceux qui pensent que le charbon est le combustible le moins cher, même s’il est le plus polluant, les pays qui ont déjà travaillé sur leur transition énergétique, d’autres qui n’ont pas cette culture, d’autres dont l’économie est basée sur l’exportation de matières fossiles, etc. Il y a, face à l’équation énergétique, presque autant de situations différentes que de pays différents. Ce qui risque d’être extraordinaire à Paris, c’est que les intérêts divergents qui mettent en cause les économies des pays vont peut-être néanmoins déboucher sur une décision commune. C’est indispensable pour éviter une nouvelle dégradation des conditions climatiques qui ne permettrait pas d’accueillir les 2 milliards d’habitants supplémentaires qui vont peupler la Terre, d’ici à 2050, dans des conditions satisfaisantes, et qui accentuerait les conflits déjà existants ou en créerait de nouveaux.

Alors que les différentes conférences des Nations unies sur le climat depuis 1992 ont échoué à se conclure sur un accord à la fois général et contraignant, la conférence de Paris risque d’être la première à réussir, sur la base des leçons tirées des échecs précédents. C’est en soi une perspective enthousiasmante. Mais, au-delà de la bonne nouvelle déjà essentielle pour l’environnement, un accord prouverait que tous les pays du monde peuvent, alors que leurs intérêts sont tout à fait différents, se mettre d’accord sur un sujet essentiel, chacun faisant des concessions, des sacrifices, des compromis. Bref, ce serait l’ébauche d’une véritable communauté internationale sans cesse évoquée, jamais rencontrée jusqu’ici.

Si ce premier succès devait être confirmé, on pourrait alors réfléchir aux possibilités d’adapter ce modèle aux autres défis globaux qui se dressent face à nous, notamment la lutte contre le terrorisme. Pays occidentaux, Russie, pays du Golfe, Turquie, Iran ont intérêt à voir Daech vaincu. Mais pour le moment ils n’ont pas jugé cela suffisamment important pour mettre de côté certaines de leurs divergences ou pour rendre conciliables leurs intérêts différents. Sans effort, Daech ne sera pas vaincu.
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