ANALYSES

Lutte contre Daech : «La France a besoin du soutien de la Russie et de l’Iran»

Presse
23 novembre 2015
Interview de Karim Pakzad - RT
Le président russe a rencontré le 23 novembre le président iranien Hassan Rohani ainsi que le guide suprême de la Révolution, Ali Khamenei. Karim Pakzad, chercheur à l’Iris décrypte pour RT France les conséquences d’une «coalition unie» contre Daesh.

Comment jugez-vous la rencontre entre le président Poutine et son homologue iranien Rohani ?
Cette rencontre n’est pas une surprise, la surprise, c’est le fait que Monsieur Poutine se rende personnellement au sommet des pays exportateurs de gaz. Il faudrait plutôt souligner que la rencontre de l’ayatollah Khamenei, le guide suprême iranien, avec un chef d’Etat étranger est rare. Cette rencontre montre l’intérêt que l’Iran porte aux relations avec la Russie. On le sait bien, les relations entre ces pays sur les plans politique, économique et militaire ont été bonnes dans le passé. Ce déplacement intervient au moment où la situation en Syrie entre dans un période assez délicate. Nous avons assisté à l’engagement militaire de la Russie en Syrie, d’un côté nous avons vu le renforcement de la présence de l’Iran et de ses alliés chiite, de l’autre, les attentats de Paris ont poussé les Etats occidentaux à être encore plus fermes, et notamment la France, qui est à la recherche d’une nouvelle stratégie qui va inclure la Russie dans cette alliance. C’est une nouvelle alliance que la France est en train de nouer et dans laquelle la Russie et l’Iran auront leur place. Mais on ne connaît pas encore les détails permettant de savoir si la France va vraiment réussir parce qu’on peut imaginer que les pays arabes du Golfe, ceux qui soutiennent militairement et financièrement l’opposition syrienne, auront du mal à avaler cette nouvelle alliance. Est-ce que tous ces pays peuvent cohabiter au sein de l’alliance ? C’est la rencontres des présidents Hollande et Poutine [le 26 novembre] qui nous apportera les premiers éléments de réponse.

Est-ce que vous pensez que l’Iran va se rapprocher de l’Occident dans le cadre de la lutte contre Daesh ?
La normalisation des relations entre les pays occidentaux et l’Iran est d’ores et déjà en cours après la signature de l’accord sur le nucléaire iranien. Maintenant, on assiste vraiment au processus de dégel, de normalisation. On peut même dire que d’ici quelques semaines, une fois que l’AIEA attestera de la bonne volonté iranienne dans le démantèlement de certaines de ses centrifugeuses, les avoirs iraniens seront débloqués. La France avait invité le président iranien Rohani à venir en France, mais les attentats de Paris ont empêché cette visite, reportée à une date ultérieure.
La normalisation est en marche entre l’Occident et l’Iran. Maintenant, s’il s’agit véritablement d’une coopération, notamment militaire, sur la Syrie, on en est loin parce que les divergences entre l’Iran d’une part, et la Russie d’autre part, avec les Etats occidentaux sur l’avenir de la Syrie existent. C’est pour cette raison que je suis très prudent sur d’éventuelles coopérations à un tel niveau.

Sera-t-il possible de surmonter les divergences entre l’Iran et les pays occidentaux que vous avez évoquées ?
Oui, probablement. Après les accords de Vienne, le 14 novembre, sur une transition politique en Syrie, on peut être un peu plus optimiste qu’avant. Les divergences existant entre les pays occidentaux et l’Iran et la Russie portaient sur le sort de Bachar el-Assad à la tête de la Syrie. Or, après cet accord de Vienne sur une transition politique où l’on a même établi un calendrier pour le transfert du pouvoir, à savoir la mise en place d’un gouvernement de transition, l’organisation d’élections dans un an et demi, il y a des éléments qui sont maintenant sur la table. La France a fait un pas en avant, elle veut mobiliser tout le monde contre Daesh et même le ministre de la Défense Monsieur Le Drian a déclaré aujourd’hui que l’objectif est d’anéantir Daesh. Pour ce faire en Syrie, en Irak et partout, la France a besoin du soutien de la Russie et de l’Iran. Mais on ne peut pas pour autant dire avec certitude quel sera l’avenir de cette intention française. Il faut attendre la rencontre entre Hollande et Poutine qui se tiendra dans quelques jours.

La «coalition unie» contre Daesh dont parlait François Hollande, comprend-elle les acteurs régionaux ?
Oui, bien sûr. L’intention de François Hollande est de mettre en place une coalition large. Il existe déjà une coalition internationale contre Daesh en Irak et en Syrie qui regroupe plus de cinquante pays, mais la Russie et l’Iran n’en sont pas membres. Ce qui est important dans la nouvelle approche française, c’est que François Hollande souhaite faire entrer la Russie et l’Iran dans cette coalition. Maintenant, le problème est de savoir comment réagiront des pays comme l’Arabie saoudite et la Turquie, qui ne voient pas d’un bon œil l’entrée de la Russie et l’Iran dans cette coalition.

Est-ce qu’on peut s’attendre à une collaboration plus étroite de l’Iran avec la France ?Oui, absolument. Monsieur Rohani avait déclaré qu’à l’occasion de sa visite en France il signera plusieurs accords commerciaux entre la France et l’Iran. Les relations politiques n’ont jamais été rompues entre l’Iran et la France mais elles n’étaient pas aussi bonnes qu’auparavant. Mais après cet accord sur le nucléaire, les relations commerciales et culturelles vont reprendre.
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