ANALYSES

Le « Balardgone » : quel impact sur la politique de défense de la France ?

Interview
9 novembre 2015
Le point de vue de Jean-Pierre Maulny
François Hollande a inauguré le nouveau siège du ministère de la défense à Balard, surnommé le « Pentagone à la française ». Que cela va-t-il changer dans la politique de défense et la gestion des armées ?
En termes de politique de défense et de gestion des armées, cela ne doit normalement pas changer grand-chose. Cependant, deux aspects sont attendus. Premièrement, il s’agit de réaliser des économies. On se souvient qu’il y a eu des interrogations et des débats relatifs à ce contrat sous forme de partenariat public/privé et donc sur l’économie réelle pour le ministère de la Défense. Le regroupement du ministère de la Défense sur le site de Balard va lui permettre de revendre certaines emprises qui étaient au centre de Paris, et permettre des rentrées financières. Le second avantage attendu est de recentrer sur le même lieu tous les services centraux du ministère. En effet, avant l’inauguration du « Balardgone », les services étaient éclatés dans Paris et en région parisienne. Or ces services ont besoin de travailler ensemble. En termes d’efficacité, on doit attendre une bien meilleure intégration de la politique de défense concernant les décisions prises au niveau du ministère. Le grand intérêt est donc avant tout l’unité de lieu.

On assiste à une multiplication des interventions françaises sur des théâtres extérieurs, représentant un coût estimé à 1,128 milliards d’euros pour 2015. Pour autant, la France a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Les armées françaises ne sont-elles pas en train de s’épuiser ?
Il y a effectivement un risque d’épuisement étant donné le nombre actuel d’opérations extérieures. François Hollande a été élu sur le retrait des troupes en Afghanistan, ce qui a été fait, et un budget d’opérations extérieures qui devait diminuer. Dans le budget de la défense, ces opérations extérieures sont provisionnées à hauteur de 450 millions d’euros, contre 650 millions auparavant. Au vu du coût estimé en 2015, il s’agit là d’un doublement voire d’un triplement. Ceci est lié à la menace terroriste qui justifie nos opérations au Mali, en Irak puis en Syrie. Si nous prenons l’exemple du Mali, nous avons réussi à stopper en 2013 l’avancée des différents groupes menaçant Bamako, donc à réduire leur menace. Toutefois, celle-ci s’est en partie reconstituée et il y a maintenant une liaison avec le sud de la Libye et l’implantation de Daech. La grande difficulté vient ainsi du fait que l’on soit seul sur le terrain ce qui nous oblige à durer dans le temps. Si on lutte militairement contre ces groupes, on ne peut pas être seul. Il est certain que l’on n’y arrivera pas s’il n’y a pas des coalitions qui se constituent au-delà des pays occidentaux. Ce sont aussi et avant tout des problèmes régionaux, notamment en Syrie, et c’est aux acteurs de la région de trouver une solution politique, même si les Occidentaux peuvent y apporter une aide.

L’Elysée vient par ailleurs d’annoncer le déploiement du porte-avions Charles-de-gaulle pour participer aux opérations contre Daech permettant de doubler le potentiel militaire français dans la région. A quels objectifs répond cette décision ?
Il y a un objectif militaire qui consiste à renforcer les forces de la coalition contre Daech. Cela étant, jusqu’alors, on ne peut pas dire que l’implication militaire française soit significative ou décisive. La question est d’ailleurs de savoir s’il y a besoin d’une implication militaire française face à Daech en Syrie. En réalité, le principal objectif est avant tout politique : celui de nous réintroduire dans la négociation afin de trouver une solution politique en Syrie. Autour de la table des négociations lors de la première réunion à Genève il y avait les Américains, les Russes, les Turcs, les Saoudiens, et les Européens étaient absents. Le porte-avions est donc avant tout déployé afin de consolider notre position diplomatique, davantage que pour un véritable résultat militaire.
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