ANALYSES

Le temps de l’intervention triomphante est fini

Presse
1 octobre 2015
La guerre civile syrienne dure depuis quatre ans. On a dépassé le chiffre de 250000 morts et la moitié de la population est déplacée les systèmes de santé et d’éducation sont quasiment détruits. Pourtant, la situation stratégique semble figée. Aucun des protagonistes intérieurs n’est en mesure de l’emporter militairement. Aucune solution diplomatique n’est en vue, du fait de la division des puissances extérieures. Poutine, qui a renforcé la présence militaire russe, appelle aune grande coalition internationale contre Daech, faisant référence à la Seconde Guerre mondiale et déclarant son soutien à Bachar al-Assad. L’Iran est sur une position proche. A l’inverse, la France, les Etats-Unis, les pays du Golfe, estiment que Bachar al-Assad doit partir et que la lutte contre Daech ne passe pas par une alliance avec lui, car il a encore fait plus de victimes que le groupe terroriste.

A terme, la position russe n’est pas tenable. Le maintien de Bachar al-Assad, s’il est possible, ne le sera que sur une petite fraction du pays et se fera au prix d’une fragmentation, d’un éclatement de ce dernier.

Le soutien russe sera de plus en plus coûteux, a un moment où Moscou a des besoins économiques intérieurs importants et où ses moyens ne sont pas illimités. Mais ils sont capables de bloquer quelques temps la situation dans une sorte de pat stratégique. A terme, la position française, gouvernement d’union nationale avec des éléments du régime mais sans Bachar et avec des membres de l’opposition modérée à l’exception des groupes terroristes, est raisonnable. Mais nul n’a les moyens de la mettre en œuvre dans un délai court, pas plus la France que les autres. Les quelques frappes aériennes auxquelles la France a participé (en interprétant de façon extensive l’article 51 de la charte de l’ONU) sont de nature à rappeler son implication dans le dossier syrien, pas à modifier la situation sur le terrain. Si quelques responsables de l’opposition ont proposé une intervention terrestre, on voit très mal avec qui la France pourrait y participer, car les candidats ne se précipitent pas, c’est le moins que l’on puisse dire (ni les Etats-Unis, ni les pays du Golfe, ni les Européens). En faisant cela, la France, par ailleurs, participerait à une opération militaire majeure sans mandat du Conseil de sécurité, ce qui est contradictoire avec sa position de membre permanent. Et si Daech pourrait être vaincu par une telle intervention, le maintien du contrôle du terrain sera plus problématique, comme le rappellent les exemples afghan et irakien.

Croire qu’une intervention militaire occidentale dans cette région (ou ailleurs) peut encore régler sans difficulté des problèmes politiques revient simplement à ne pas comprendre le monde dans lequel on vit. Le temps de l’intervention triomphante est fini, l’Irak et l’Afghanistan sont là pour le rappeler. Au-delà de la condamnation morale des actions de Daech, il faut s’interroger sur les raisons qui font qu’une partie de la population s’y reconnaît : un gouvernement sectaire en Irak et un pouvoir sanguinaire en Syrie. La solution passe donc par un gouvernement inclusif en Irak et le renversement de Bachar al-Assad (qui est le sergent recruteur de Daech en Syrie), mais qui peut y parvenir ? Les Russes constituent pour le moment avec l’Iran le verrou principal, mais il n’y a pas d’autres solutions que de continuer à négocier avec eux. Il n’y aura pas de solution sans eux, et encore moins contre. II y a un fossé entre l’urgence de la situation pour mettre fin aux souffrances de la population et tarir le flot des migrants et le temps long de la géopolitique pour rapprocher les points de vue pour le moment inconciliables et les intérêts toujours divergents.
Sur la même thématique