ANALYSES

La Corée du Nord sur le pied de guerre : l’escalade jusqu’où ?

Presse
21 août 2015
Interview de Olivier Guillard - L'Obs
Après des échanges de tirs entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, les deux armées sont sur le qui-vive. L’ultime provocation ? Interview du chercheur Olivier Guillard.

Le risque d’une nouvelle escalade de violence est-il envisageable entre les deux Corée ?
Il est vrai que le régime nord-coréen demeure, à l’été 2015, le plus imprédictible et le plus menaçant de l’ensemble de la région Asie-Pacifique. Mais ses capacités d’action, ses options sont plus limitées que le champ de ses provocations verbales permanentes à l’endroit de Séoul et de Washington, les deux capitales honnies par Pyongyang.
En début de semaine a débuté l’exercice interarmées annuel Ulchi Freedom Guardian 2015 (80.000 hommes y prennent part). Sans surprise, Pyongyang a parlé de « provocation intolérable », « d’agression ». Sans émouvoir qui que ce soit à Séoul ou dans la capitale américaine.
Car, chaque année à cette période, au moment où d’importantes manœuvres militaires conjointes américano-sud-coréennes se profilent, les rapports entre les gouvernements nord et sud-coréens se crispent. Pyongyang crie alors à « l’invasion imminente » et à la nécessité de se préparer au conflit.

Kim Jong-Un tente-il à nouveau de montrer sa puissance ?
Le contexte intercoréen actuel a un peu changé. Les incidents et les mesures de rétorsion se sont multipliées ces derniers temps : explosion de mines anti-personnel blessant gravement deux soldats sud-coréens dans la DMZ [la zone démilitarisée entre les deux Corée] (et hérissant autant les autorités sud-coréennes que l’opinion publique), reprise consécutive par le sud des lancers de ballons à hélium vers le nord (contenant des CD, des DVD, de la documentation peu favorable au régime, etc.).
Enfin, il y a la remise en service par le Sud, après une décennie d’interruption, d’une douzaine de puissants haut-parleurs qui diffusent, depuis la partie sud-coréenne de la DMZ et vers le nord, des infos de tout ordre en direction de la soldatesque et des populations frontalières nord-coréennes. Ces mesures de représailles non-violentes menées par le sud semblent irriter au plus haut point Pyongyang.
D’autant que la capitale nord-coréenne semble traverser une zone de turbulence. Des nouvelles inquiétantes nous parviennent ces derniers mois en provenance de ce régime hermétique et isolé : notamment des purges à répétitions dans les rangs de l’armée et des responsables politiques.
Et ce, alors que les relations qu’entretiennent Pyongyang et Pékin, qui est – avec Moscou – le dernier rempart diplomatique extérieur du régime nord-coréen, se sont nettement refroidies depuis deux ans. Et Pyongyang, nonobstant ses envies, ne parvient pas (par sa faute, naturellement) à réanimer un dialogue substantiel avec l’administration américaine.

Quel peut-être alors le but d’une telle démonstration de force ?
Le contexte actuel est donc difficile pour le régime nord-coréen. Réapparaître sous un jour martial et défiant à l’endroit de Séoul et de Washington, en mobilisant les troupes, en plaçant les forces armées en état d’alerte maximale, en préparant un nouvel essai balistique, en maniant le verbe et la menace peuvent constituer des exutoires « familiers » vis-à-vis d’une population qui s’interroge peut-être sur la précarité de son sort et le bon sens de ses dirigeants.
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