ANALYSES

La diplomatie de Cuba : coopérer en pleine souveraineté

Souveraineté est sans doute le fil conducteur de la diplomatie cubaine. Pour des raisons historiques compréhensibles. Colonisée, convoitée, Cuba a été en état de dépendance absolue ou partielle pendant plusieurs siècles. Cuba a été la dernière colonie américaine de l’Espagne. Cette dépendance contestée les armes à la main, pourtant victorieuse, avait été dévoyée par les États-Unis, en 1901. Occupée, en état de souveraineté limitée, l’île avait en 1934 difficilement et tardivement obtenu la levée des restrictions constitutionnelles imposées par le grand voisin nord-américain.

Fidel Castro, arrivé au pouvoir en 1959, a très vite imposé une politique étrangère indépendante, rompant avec les liens de subordination maintenus avec Washington. Cette aspiration, pour se concrétiser, avait paradoxalement orienté Cuba vers de périlleuses alliances d’équilibre. Pour préserver sa souveraineté, La Havane avait en effet intégré le bloc soviétique hostile aux États-Unis. Cette adhésion avait entrainé Cuba dans les aléas de la compétition entre Est et Ouest. Cuba avait ainsi, après une crise internationale qui la dépassait en 1962, accepté de fait une nouvelle tutelle. Elle avait été compensée par un activisme diplomatique et militaire aux côtés d’États d’Afrique et d’Asie encore colonisés.

La fin de l’URSS a été un moment redoutable pour le pays et sa population. Les États-Unis avaient renforcé en 1996 les mesures d’isolement financier, commercial et économique. Mais faisant de nécessité vertu, Cuba a inventé une diplomatie de survie privilégiant les coopérations dans le respect des orientations de chacun. Cuba y a gagné une image nouvelle de faiseur et de constructeur de paix. Cuba a joué un rôle central pour résoudre les conflits civils en Angola, Namibie, Afrique du sud, Amérique centrale. La Havane héberge, aujourd’hui, les acteurs du conflit colombien. La santé, secteur particulièrement développé, a été mise au service du développement national et de la coopération. Brésil, Venezuela, Émirats, Portugal et bien d’autres font appel contre devises ou leur équivalent aux médecins cubains. Tandis que les pays pauvres bénéficient gratuitement d’une aide efficace et rapidement déployée. Les médecins cubains ont été les premiers, avec ceux de l’ONG Médecins sans frontières, à venir au secours des Haïtiens victimes en 2010 d’un tremblement de terre et des milliers de malades atteints par la fièvre ébola en Afrique de l’Ouest en 2014.

Les pays de la région ont très vite pris en compte ces évolutions. Cuba a été réintégrée dans le concert latino-américain et caribéen. Cuba est membre de la CELAC (Communauté d’États latino-américains et caribéens), de l’AEC (Association des États de la Caraïbe), de l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique), du Cari-forum (Forum des États de la Caraïbe). Depuis 2009, tous ont signalé qu’il serait opportun de réintégrer Cuba au sein de l’OEA (Organisation des États américains). Cuba, devenu l’un des foyers de discorde de la Guerre froide, en avait été, en effet, suspendu à la demande des États-Unis en 1964.

Plus de vingt-cinq ans après l’implosion et la disparition de l’Union soviétique, la perpétuation d’un embargo, pratique diplomatique d’une autre époque, est devenue de plus en plus incongrue. Les États-Unis étant paradoxalement en train de s’isoler en ignorant Cuba, le Président Obama a fini par prendre une initiative de bon sens. Le 17 décembre 2014 après plusieurs mois de contacts discrets facilités par le Canada et le Vatican, Cuba et États-Unis annonçaient le prochain rétablissement de leurs relations diplomatiques. L’Europe, qui avait à la suite des États-Unis suspendu sa coopération en 1996 faisant suite à une demande espagnole, accompagne cette normalisation. La Havane et Bruxelles ont engagé en 2014 des négociations qui se poursuivent en 2015 en vue de mettre en place une coopération libérée des a priori hérités de la Guerre froide.
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