ANALYSES

« Ce rassemblement est une première historique »

Presse
11 janvier 2015
Interview de Pascal Boniface - Le JDD
Une trentaine de chefs d’État aux côtés de François Hollande aujourd’hui pour marcher et rendre hommage aux victimes du terrorisme, n’est-ce que symbolique ?

C’est unique, une grande première historique. Jamais, même après les attentats du 11-Septembre, on n’avait ¬assisté à un pareil rassemblement en dehors des sommets européens ou internationaux prévus par le calendrier. Le fait que tous les leaders européens soient là donne un sens au mot « union »: nous défendons les mêmes valeurs de liberté. Mais il est bon aussi que des chefs d’État de pays arabes ou musulmans soient également présents, quitte à ce que certains prennent le risque d’être traités d’apostats par les terroristes. Attention toutefois à ce que ce soutien massif de chefs d’État ne décourage pas, notamment pour des raisons de sécurité, le peuple de venir afficher en nombre son unité.

On a souvent dit que la France était bien seule pour aller se battre contre le djihadisme au Sahel ; les Européens, par leur présence en nombre à Paris, peuvent-ils désormais faire plus ?

La manifestation n’a pas été prévue pour cela, mais il faut espérer qu’elle fera ¬bouger les lignes. Ceux qui n’ont accordé qu’un soutien politique jusqu’à présent pourraient être tentés de franchir le pas.

La Turquie sera représentée à haut niveau. N’est-ce pas en contradiction avec la marche, dans la mesure où le gouvernement turc a été accusé de passivité face aux djihadistes qui transitent par son territoire ?

De nombreux pays, pas uniquement la Turquie, ont laissé faire les djihadistes pour mieux frapper le régime de Bachar El-Assad. Mais il vaut mieux aider la Turquie à contrôler sa frontière que ¬refuser à sa délégation de venir à Paris aujourd’hui manifester son soutien à la France. Ce serait créer une faille à l’heure où ils essayent de s’impliquer davantage maintenant dans la lutte contre Daech. Si on commence à exclure des pays un par un parce qu’on a eu des différences d’analyse, on fragilise le front commun.

Avant d’aller marcher ensemble, les ministres de l’Intérieur européens, américain et canadien doivent se réunir pour améliorer leur coopération antiterroriste. Que peuvent-ils faire de plus qui n’ait déjà été fait?

Rien n’est vain dans ce domaine. Plus le travail sera concerté, mieux ce sera. Mais si on attend de ces coopérations renforcées qu’elles empêchent tout attentat, on se trompe. Le risque zéro n’existe pas. Beaucoup ¬d’attentats ont été déjoués grâce aux échanges d’information, mais le travail de renseignement est toujours améliorable, de même que les Européens doivent harmoniser leurs législations. Faute de quoi les terroristes sauront se faufiler entre les mailles.

Le président du Conseil italien, Matteo Renzi, présent aujourd’hui à la marche, propose la mise sur pied d’une agence européenne du renseignement…

Il a raison, il existe bien un service d’action extérieure européen, bras diplomatique de l’UE, ainsi qu’une agence de police européenne, ¬Europol. Toute structure de mise en commun des informations peut être utile à condition qu’elle ne dessaisisse pas les services ¬nationaux -compétents.
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