ANALYSES

Hong Kong : que retenir des violents affrontements de ce weekend ?

Interview
21 octobre 2014
Le point de vue de Philippe Le Corre
Comment comprendre la flambée de violence intervenue ces derniers jours ? Les autorités tentent-elles de décrédibiliser le mouvement en le faisant basculer dans la violence ?

« Les manifestants savent qu’ils doivent durer. Les médias internationaux, dont ils se sont si bien servis depuis un mois, sont de leur côté », ont déclaré les autorités chinoises. Les autorités centrales cherchent en effet à décrédibiliser leurs opposants en opposant la faction « Occupy Central » à la faction « Scholarism ». Elles essaient aussi d’épuiser les manifestants en prétendant vouloir ouvrir des négociations et quand la foule se réduit, elles tentent de la canaliser dans des périmètres plus limités. La violence est, quant à elle, bien présente effectivement. Si on ne sait pas bien d’où elle vient, on peut être sûr que cela n’aide pas le mouvement démocratique…

Les revendications des manifestants n’ont-elles aucune chance d’être concédées par Pékin ? L’opinion publique hongkongaise est-elle derrière les manifestants ?

Hong Kong est un territoire chinois à part, et sa population se différencie grandement du reste de la Chine. Pendant plus d’un siècle, elle a joui d’une relative liberté sous l’administration coloniale britannique. Depuis 1997, elle se distingue des autres territoires chinois grâce à la loi fondamentale (Basic Law), qui pendant cinquante ans doit conserver une justice indépendante, le maintien du système capitaliste et un certain nombre de droits et libertés pour la population locale. La revendication d’un Conseil législatif élu au suffrage universel direct est plus délicate car la Chine – qui a pris ces dernières années pleinement contrôle du territoire – n’a aucune intention de laisser une mini-république émerger à l’intérieur même de ses frontières. C’est tout le débat autour de l’interprétation de la loi fondamentale, qui fit l’objet de longues années de négociations entre Britanniques et Chinois, pour finalement aboutir à une solution de compromis : l’élection au suffrage universel du Chef de l’Exécutif de Hong Kong (actuellement Leung Chun-ying) au sein d’un comité électoral de 1200 membres triés sur le volet. 2017 devait voir arriver une nouvelle étape, avec une élection directe mais c’est peu probable aujourd’hui. A priori, Pékin n’acceptera pas (à ce stade) quelqu’un d’incontrôlable aux yeux du pouvoir central.
L’opinion publique est quant à elle profondément divisée. Les habitants de Hong Kong sont à la fois des gens pragmatiques qui s’occupent de leurs affaires et, en même temps, ils sont farouchement attachés à leur indépendance. En cela, ils sont reconnaissants à Chris Patten, le dernier gouverneur britannique de Hong Kong (de 1992 à 1997), d’avoir tout fait pour leur offrir un semblant de démocratie à l’horizon 2017. Mais au final, c’est la Chine qui décide et la génération des plus de 40 ans le sait. Mais cela coince avec les jeunes générations : confrontées à une situation économique moins favorable que leurs parents, elles sont plus idéalistes et veulent que les libertés demeurent et progressent. Comment leur en vouloir ?

L’image de Hong-Kong et sa vie économique ont-elles été affectées par ces évènements ? Cela risque-t-il d’impacter sur les investisseurs étrangers ?

Dans ce contexte, les tycoons, ces grands patrons hongkongais proches de Pékin, tirent évidemment le signal d’alarme. Dans un entretien avec la presse étrangère accordé lundi, Leung Chun-yin a d’ailleurs expressément indiqué qu’une démocratisation excessive n’irait pas dans le sens de la communauté d’affaires. « Il faut prendre en compte tous les secteurs », dit-il… c’est-à-dire, si on lit entre les lignes, garder à la communauté d’affaire son avantage, faute de quoi le territoire deviendrait hors de contrôle. Les entreprises étrangères sont relativement absentes de ce débat car c’est surtout le secteur financier qui est concerné, Hong-Kong étant l’une des places-fortes de la finance mondiale. Il y a longtemps que les industriels ont quitté Hong Kong pour s’installer de l’autre côté de la frontière. Le vrai problème, justement, concerne l’avenir de Hong Kong par rapport à Shanghai, aux villes du delta de la rivière des perles, bref à ses concurrents directs qui cherchent à devenir aussi international que cette dernière. Ce qui ne sera jamais facile car Hong-Kong est unique.
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