ANALYSES

«Les Ivoiriens souhaitent un retour au calme»

Presse
6 décembre 2010
Philippe Hugon - Métro

Philippe Hugon, directeur de recherches à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), chargé de l’Afrique, analyse les tensions en Côte d’Ivoire en proie à une crise post-électorale.


Quel est votre analyse de la situation?

La situation est complètement bloquée. La Côte d’Ivoire se retrouve avec deux présidents, dont l’un est plus légitime que l’autre. Le Conseil constitutionnel a invalidé la décision de la Commission Electorale Indépendante qui a la légitimité requise pour donner les résultats des urnes. Si les résultats sont contestés, ce qui fut le cas cette semaine par la Côte d’Ivoire, la voie de recours reste le Conseil constitutionnel. Or, toute invalidation des résultats doit être justifiée. Lors des élections présidentielles ivoiriennes, les résultats de 9 circonscriptions ont été annulés, sans aucune preuve. Lorsqu’il est saisi, le Conseil constitutionnel prend le temps d’examiner le dossier et ne rend pas une décision aussi rapidement. La décision est ici politique et non juridique et relève des collusions avec le pouvoir de Gbagbo.


Pensez-vous que la médiation entre Thabo Mbeki et les deux présidents a une chance d’aboutir sur un déblocage de la situation?

Entre 2004 et 2006, Mkebi était déjà intervenu en Côte d’Ivoire et cela avait abouti à la signature des accords de Ouagadougou. Le but ici est de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour rester dans une situation diplomatique même si la marge de manoeuvre est réduite. En effet, il ne peut pas y avoir de gouvernement de compromis comme ce fut le cas au Kenya ou au Zimbabwe, où le président élu avait pris pour premier ministre son opposant. En Côte d’Ivoire ce ne sera pas possible, car l’inimitié entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara est trop forte et rend toute cohabitation impossible.


Selon plusieurs analystes, la situation pourrait dégénérer en guerre civile. Quel est votre avis?

On ne peut pas exclure la possibilité qu’un 3e tour électoral prenne place dans la rue de manière violente. Mais ce n’est évidemment pas souhaitable et de toute façon, peu probable.


Pourquoi ?

Les Ivoiriens veulent la paix. Ils ont massivement voté pour Ouattara car celui-ci incarne la pacification. Après 10 ans passés dans un pays qui n’est ni en guerre ni en paix, la population souhaite un retour au calme et au développement.


Quelle sera la position de la France et plus largement de la communauté internationale si Gbagbo est maintenu au pouvoir?

Les pays étrangers continueront à condamner un président illégitime avec peut-être la prise de sanctions telles que l’embargo ou l’arrêt de financement par le FMI. Ce serait un coup dur pour le pays même si la situation d’embargo peut-être facilement contournée par certains vendeurs ou prêteurs, et surtout, cela pourrait diversifier les partenaires économiques du pays.

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