ANALYSES

« L’Afrique du Sud a su éviter le bain de sang entre les communautés »

Presse
30 juin 2011
Philippe Hugon - La Croix

Pour Philippe Hugon, l’Afrique du Sud est devenue la plus grande démocratie africaine et a connu de très grandes avancées dans différents domaines.


Malgré les craintes, l’Afrique du Sud n’a pas connu de guerre civile après l’abolition de l’apartheid. Pourquoi ?

On craignait une situation à l’algérienne, avec d’une part l’apparition d’une organisation sur le modèle de l’OAS, et d’autre part un rejet violent des Blancs par les Noirs Cela n’a pas eu lieu grâce a quelques grandes figures comme Frederik De Klerk et Nelson Mandela Ils ont su éviter le bain de sang entre les communautés L’ANC a abandonné la notion de clivage de race pour lui préférer celle de clivage social Sans oublier le rôle de Mgr Desmond Tutu et de la commission Réconciliation et Vérité.


Vingt ans après la fin de l’apartheid, le bilan pour l’Afrique du Sud est-il positif ?

Elle est devenue la plus grande démocratie africaine selon la définition de Montesquieu séparation des pouvoirs, liberté de la presse, indépendance de la justice, opposition multipartite Elle a connu de très grandes avancées dans des domaines aussi différents que l’accès à l’eau, au logement, à l’école et à l’université Économie puissante, l’Afrique du Sud fait partie des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). La mise en place de l’Affirmative Action (la discrimination positive) a permis l’intégration de nombreux Noirs dans l’économie, la politique, la culture et l’enseignement. Mais le pays est aussi confronté à d’épineux défis le chômage des Noirs avoisine 40 %, la lutte contre le sida a souffert d’un aveuglement politique, la réforme agraire est lente (80 % des terres appartiennent toujours aux Blancs). Et, enfin, elle est le deuxième pays le plus violent au monde après la Colombie Vols, crimes sexuels, meurtres la violence n’oppose pas les Blancs aux Noirs mais touche les laissés-pour-compte de la croissance économique.


La nation « arc-en-ciel » est-elle une réalité ?

La société est beaucoup moins « racialisée » qu’il y a vingt ans. Les cadres du pays ont tout fait pour créer une identité commune de Sud-Africains, comme on peut si bien le voir dans le film de Clint Eastwood Invictus (NDLR le rôle de l’équipe de rugby dans la création de cette nouvelle identité). En réalité, cela dépend des groupes sociaux Dans la classe moyenne et aisée, on ne pense plus son identité en fonction de sa couleur de peau En revanche, ce n’est pas le cas chez les plus modestes ou l’identité ethnique joue un rôle central dans la manière de se penser et de penser l’autre. Enfin, de nombreux Blancs ont choisi de quitter le pays entre 1995 et 2009, ils seraient plus de 800 000 à être partis. Ils ont fui la violence, le chômage, la discrimination positive.

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