ANALYSES

« Sans l’Otan, les rebelles n’auraient pas pu obtenir cette victoire militaire »

Presse
22 août 2011
Pascal Boniface - Le Parisien
Six mois pour faire tomber Kadhafi, c’est beaucoup?

Par rapport aux plans initiaux, oui. Nicolas Sarkozy au premier chef, pensait à quelque chose de rapide qui ne laisserait pas beaucoup de traces. Il y a eu une période beaucoup plus longue de combats que prévu. En même temps, l’issue était certaine : l’isolement international de Kadhafi, la cobelligérance de l’Otan aux côtés des insurgés ne pouvaient qu’amener à la défaite de Kadhafi.

La seule question qui se posait, c’était en combien de temps. Cela en a pris plus que prévu, mais le résultat est là.


Pourquoi plus de temps que prévu?

D’une part le Conseil national de transition (CNT) était mal organisé militairement et mal équipé. D’autre part l’Otan, malgré sa supériorité militaire, était sur un mode mineur d’engagement militaire, et ne pouvait pas mener une guerre totale. Tous les pays de l’Otan n’étaient pas engagés, et les pays qui l’étaient devaient faire attention à limiter au maximum, même s’ils n’ont pas réussi, les dommages collatéraux et les victimes parmi les civils. Enfin, même si Kadhafi était condamné internationalement, il avait quand même quelques soutiens au sein de la Libye. L’idée que, dès que les premiers coups seraient portés, il serait totalement isolé nationalement s’est révélée inexacte. Jusqu’au dernier moment, il aura gardé des soutiens intérieurs.


L’intervention militaire de l’Otan a-t-elle eu un rôle décisif?

Il est certain que sans l’intervention de l’Otan, les rebelles n’auraient pas pu obtenir cette victoire militaire. On n’est pas dans le cadre d’une révolution où le peuple renverse un tyran, on est dans le cas d’une guerre civile appuyée par une armée étrangère.


Comment peut évoluer la Libye de l’après-Kadhafi?

C’est la grande inconnue. Ce qu’il y a de particulier ici, c’est que le nouveau régime va se construire sur fond d’intervention militaire extérieure. Une partie des Libyens vont inévitablement considérer le nouveau pouvoir comme illégitime. Il y a donc un risque de violences résiduelles, y compris après la mise hors d’état de nuire de Kadhafi. Je ne crois pas à une menace islamiste. On l’avait déjà dit pour la Tunisie et l’Egypte, on voit que c’est faux. Mais cette coalition est hétéroclite et elle doit plus sa victoire à l’intervention militaire extérieure qu’à elle-même. C’est une différence initiale très forte, qui risque de poser problème pour l’avenir.

Sur la même thématique