ANALYSES

« Le rugby permet à la Nouvelle-Zélande d’exister sur la carte du monde »

Presse
8 septembre 2011
Pascal Boniface - Le Figaro

Pascal Boniface, le directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques, revient sur la place de l’ovalie dans le monde.


Ce sera évidemment un événement très médiatisé dans les pays à forte culture rugbystique, mais son impact global sera nettement moindre que celui du Mondial de football et des Jeux olympiques. Le rugby n’a pas encore totalement achevé sa mondialisation. S’il a élargi son influence à d’autres pays que ses bastions traditionnels, son développement international reste limité.


C’est l’événement du siècle pour la Nouvelle-Zélande…

Cette Coupe du monde lui permet de montrer son savoir-faire organisationnel, la qualité de ses infrastructures, la beauté de ses paysages et la gentillesse de sa population. C’est une vitrine ouverte sur le monde. Pays du rugby, la Nouvelle-Zélande n’est pas tous les jours sous les flashs des informations mondiales, et quand elle l’est, c’est qu’il y a eu une affaire politique, comme celle du Rainbow Warrior, ou un tremblement de terre comme à Christchurch.


La Nouvelle-Zélande est considérée comme le pays du rugby…

Son excellence est d’autant plus remarquable que sa base démographique est très faible. Le rugby lui permet d’exister sur la carte du monde, de posséder une marque reconnue. Du fait de son isolement géographique, elle a peur de rester à l’écart de la mondialisation.


Que révèle l’affaire Bastareaud des relations diplomatiques compliquées entre la Nouvelle-Zélande et la France ?

Cette affaire a fait autant de bruit parce qu’elle concernait un Français sur le territoire néo-zélandais où il existe une hypersensibilité concernant notre pays. Les Néo-Zélandais s’accommodent moins facilement des libertés prises avec la vérité que les Français. Cela a surtout été perçu comme une réplique du sabordage du Rainbow Warrior par les services secrets français. L’affaire Greenpeace avait eu un impact extrêmement négatif sur les relations diplomatiques entre les deux pays. Les Néo-Zélandais avaient eu à l’époque le sentiment que les Français avaient méprisé leur souveraineté.


Pourquoi la pratique du rugby a du mal à dépasser ses frontières historiques ?

Historiquement, le rugby est un sport d’élite. Ses dirigeants n’ont jamais cherché à faire du prosélytisme. La fédération internationale a compris que l’avenir du rugby passait par l’ouverture à d’autres nations. L’organisation de la Coupe du monde au Japon en 2019 en est le meilleur exemple. En restant confiné dans son périmètre historique, le rugby risquait de dépérir, alors que de nombreux autres sports cherchent à avoir une couverture plus universelle.


Son influence dans le monde n’est néanmoins pas comparable à celle du football ?

Ses règles sont nettement plus difficiles à comprendre pour le profane. Cela rend son accès et sa pratique plus compliqués. Un match de football informel s’organise facilement. Il faut passer par un club pour s’initier au rugby. Ce sport demande un équipement et des espaces qui ne sont pas à la portée de toutes les communautés.


D’où le différentiel social qu’a longtemps induit la pratique du rugby ?

On a l’habitude de dire que le foot est un sport de gentlemen joué par des voyous et le rugby un sport de voyous joué par des gentlemen. Il existe une différentiation sociale historique. Le football, né lui aussi dans les collèges anglais, est devenu rapidement le sport du monde ouvrier. Le rugby a, lui, très longtemps cultivé son élitisme. Au niveau des pratiquants, le rugby est aujourd’hui un sport populaire. Mais les grands patrons du CAC 40 sont plus nombreux à s’intéresser au rugby qu’au foot.

Sur la même thématique