ANALYSES

Pour une « diplomatie environnementale »

Presse
25 octobre 2011
Par Maxime Pinard, chercheur à l’IRIS

La crise économique et financière qui sévit depuis plus de trois ans a diminué considérablement la médiatisation des enjeux climatiques, qui pourtant concernent l’humanité dans son ensemble. Au nom de la lutte contre la crise et ses conséquences à la fois économiques et humaines surtout, nous avons sciemment sacrifié le débat écologique. Les scores encourageants de plusieurs partis écologistes, en Allemagne et en France par exemple, ne sauraient à eux seuls laisser penser que le débat écologique a repris des forces.


Rio, Kyoto, Copenhague. Autant de villes symbolisant les maigres progrès voire échecs retentissants des initiatives internationales en matière de protection environnementale. Pourtant, la volonté de certains participants était grande, et incomparable à celle des acteurs de la société civile, mais force est de constater que ce qui devrait être une priorité revêt un caractère "annexe" certain. A quoi cela est-il du ? Il est principalement question des puissances émergentes, des nouvelles puissances (Chine, Inde, Brésil) et des Etats-Unis qui font barrage à toute initiative susceptible de remettre en cause leur activité économique, et par voie de conséquence le niveau de vie de leur population. De la même façon, les Etats du Sud refusent de signer des accords qui entraveraient leur développement fulgurant, prétextant que les Etats riches du nord ont abusé pendant des décennies des ressources de la planète et que de ce fait, ils peuvent eux aussi agir ainsi. Ces arguments, bien que proches de la réalité, ne peuvent expliquer le blocage dans lequel nous sommes.


La première contrainte vient de la mondialisation qui, de par les interactions et dépendances qu’elle a créées entre des acteurs situés aux quatre coins de la planète, a rendu impossible toute solution à une échelle strictement étatique. Deuxièmement, bien que de remarquables travaux d’économistes l’aient démontré, il semble encore difficile pour les politiques d’accepter l’idée que plus l’on agira en amont, moins les catastrophes seront coûteuses, aussi bien en vies humaines qu’en termes économiques. La crise participe d’ailleurs à cette crispation des pouvoirs en place qui pensent au mieux sur cinq ans, négligeant les perspectives de moyen et long terme. Que faire par conséquent ?


Chacun sait qu’il suffit de créer une commission pour enterrer un problème ; c’est un peu ce qui se produit avec l’environnement, où les structures ad hoc ne parviennent pas à faire entendre leurs messages. D’ailleurs, on pourrait se demander au niveau national si l’existence d’un ministère de l’écologie a un sens, ou s’il ne faudrait pas plutôt insérer dans chaque ministère une composante environnementale. En d’autres termes, lorsqu’un ministre se rend à l’étranger défendre les intérêts industriels de son pays par exemple, ne pourrait-on pas envisager qu’il s’assure en même temps que les règles environnementales seront respectées par son partenaire ? Bien souvent, la question n’est pas posée, ou seulement a posteriori.


Or, si nous voulons que tous acceptent d’agir, il convient de mettre en place ce que je nommerais une "diplomatie environnementale", à même de faire entendre la nécessité de respect des principes environnementaux chaque fois que des intérêts sont défendus. Au lieu de donner à l’environnement une place à part, insérons-le dès que des projets affectent les équilibres précaires de la planète.


Certes, une telle politique peut conduire à des impasses, voire à des échecs avec des partenaires peu touchés par les questions environnementales. Mais le risque d’erreurs sur le long terme d’une politique occultant ces questions est sans commune mesure, et ce d’autant plus qu’il affectera les générations futures.


La notion de diplomatie environnementale met au cœur de la diplomatie de chaque Etat l’environnement, faisant de ce dernier une ligne conductrice, à même de relancer la machine des négociations qui demeure bloquée pour l’instant. Une solution universelle n’est pas envisageable, ne serait-ce qu’à cause de nos divergences d’intérêt, mais des solutions interétatiques pouvant susciter un mimétisme chez autrui sont à privilégier.


L’idée de diplomatie environnementale, sans doute difficile à faire accepter en raison des changements de culture politique qu’elle induit, devrait être mise en valeur. L’échec est possible, mais pas certain, et dans la situation actuelle assez alarmiste, c’est un risque à prendre.

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