ANALYSES

La Palestine à l’Unesco et l’isolement américano-israélien

Presse
24 novembre 2011
Pascal Boniface - La Croix

Malgré une intense campagne diplomatique hostile des Etats-Unis et d’Israël, l’Unesco a admis comme membre la Palestine par une large majorité (107 voix pour 52 abstentions 14 voix contre). C’est donc une défaite diplomatique pour le couple Washington Tel-Aviv. Elle était prévisible. Pourquoi ont-ils pris le risque de mener une bataille perdue d’avance ? Parce que selon eux, cela mettait en danger le processus de paix et qu’il convient de privilégier les négociations bilatérales israélo-palestiniennes sur une démarche unilatérale palestinienne.


Cet argument ne résiste pas à l’examen. Les négociations bilatérales n’ont, depuis qu’elles existent, débouché sur aucun résultat concret. Ce n’est pas avec le gouvernement le plus à  droite de l’histoire d’Israël que cela risque de changer. Elles servent plutôt à gagner du temps pendant que, sur le terrain, la colonisation se poursuit. Un ministre israélien n’a-t-il pas déclaré qu’elles pouvaient durer cent ans ?


L’admission de la Palestine à l’Unesco, organisation culturelle ne peut mettre en danger la sécurité de l’Etat d’Israël. Le droit à l’éducation, la préservation du patrimoine, les échanges scientifiques sont-ils vus comme dangereux par Israël ? Comment Israël, qui plaide pour éviter d’être boycotté par les universités et le monde international de la recherche, peut-il dénier l’accès de l’Unesco aux Palestiniens ?


Comment expliquer que le recours à l’ONU, puis à l’Unesco, par les Palestiniens soit considéré comme des gestes unilatéraux alors que ces organisations internationales sont l’essence même du multilatéralisme ?


La poursuite de la colonisation israélienne à Jérusalem-Est et en Cisjordanie ne peut pas être considérée comme moins compromettante pour le processus de paix que les demandes d’admission dans les organisations internationales ! C’est le grignotage continu de territoires palestiniens, leur morcellement les expulsions, qui font que certains pensent que, matériellement, la solution des deux Etats est déjà de venue irréalisable. Sans parler des humiliations quotidiennes que crée l’occupation. Cela laisse dans les esprits des traces bien plus douloureuses qu’un vote dans une instance multilatérale !


Les Etats-Unis ont donné l’impression de se déterminer en fonction des demandes du gouvernement israélien. N’est-il pas paradoxal, vu l’aide que les Etats-Unis fournissent à Israël, que le gouvernement de ce pays semble exercer plus d’influence sur le président américain que l’inverse ?


Les Etats-Unis vont cesser le versement de leur part à l’Unesco, qui représente 22 % du budget de cette organisation. On ne peut à la fois critiquer l’unilatéralisme dont les Palestiniens auraient fait preuve en demandant d’être admis dans cette organisation et cesser toute contribution parce que l’immense majorité des autres pays n’a pas voté dans le sens souhaité par Washington.


On peut légitimement se demander en quoi l’arrêt du financement du système d’alerte du tsunami à Haïti, d’écoles professionnelles en Afghanistan ou d’un programme mondial d’alphabétisation, entre autres programmes prévus par l’Unesco cette année, contribuera au processus de paix au Proche-Orient. Le soutien inconditionnel à Israël va venir handicaper d’autres aspects de la diplomatie américaine.


Les États-Unis ont-ils calculé le coût diplomatique, la dégradation de leur image que va coûter cette décision ? N’est-ce pas un aveu de faiblesse de la part des États-Unis, incapables de faire entendre leur point de vue à Tel-Aviv ? Quelle différence entre le discours d’Obama au Caire, qui a suscité tant d’espoirs, et cet alignement !


Il est pour le moins paradoxal de savoir que les États-Unis vont, sous Obama – considéré comme multilatéraliste -, cesser de contribuer financièrement à l’Unesco, alors que c’est George Bush – le plus unilatéraliste des présidents américains – qui avait décidé la réintégration de son pays dans cette organisation que celui-ci avait quittée en 1984 sous Reagan.

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