ANALYSES

Le triangle de Weimar, élément moteur possible de l’Europe de la défense

Presse
7 décembre 2011
Edouard Pflimlin - Fenêtre sur l’Europe

L’Institut de relations internationales et stratégiques, en partenariat avec le German Institute for International and Security Affairs (SWP) et The Polish Institute of International Affairs (PISM) a réfléchi aux moyens de lancer des projets structurants et fédérateurs dans le cadre du Triangle de Weimar (Allemagne, France et Pologne), forum de rencontre, de dialogue et d’échange informel entre ces trois pays, instauré officiellement en août 1991, deux ans après la chute du Mur de Berlin. Ces propositions ont été discutées lors d’un séminaire, mené par Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’IRIS, lundi 5 décembre 2011 à Paris.


Le résultat de ce travail de réflexion, mené par plusieurs chercheurs, dont Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’IRIS, Marcel Dickow, Hilmar Linnenkamp (SWP) et Marcin Terlikowski (PISM), a été publié dans une note de l’IRIS en novembre qui propose 3 exemples de ce pourraient des coopérations concrètes en matière de défense dans le cadre de Weimar.


Les auteurs constatent en introduction que : "les récentes initiatives sur la réforme de la défense sont principalement menées par l’austérité dans les budgets nationaux, elles se concentrent prioritairement sur la préservation ou la suppression de capacités militaires nationales. Cependant, la rareté des ressources rend nécessaire une planification commune européenne des capacités. Vous économisez davantage si vous économisez ensemble" Ils ajoutent : "Le noyau d’une telle coopération permanente, bien structurée et pratique peut avoir lieu dans le contexte de Weimar. Cela pourrait servir – si certaines conditions sont remplies – comme exemple de la façon dont des petits groupes peuvent ouvrir la voie à des efforts plus large de l’Union européenne (UE) rassemblant plus d’Etats membres qu’une avant-garde : trois pays ne sont pas de trop pour travailler à des projets communs – l’expérience avec les 26 pays de l’Agence européenne de défense suggère cette évaluation; trois n’est pas non plus trop peu puisqu’il n’y a pas le risque d’entraîner la suspicion d’un bilatéralisme exclusif; et enfin, le Triangle de Weimar a été et est encore un symbole important de la réorganisation de l’ordre européen après la guerre froide. Le Triangle de Weimar réunit trois pays avec des visions complémentaires de l’intégration européenne mais avec différentes approches s’agissant des étapes pratiques."


Les experts ont donc choisi 3 exemples de coopération possible à différents horizons, expliquant lors du séminaire que depuis 20 ans il n’y a plus de "grands programmes de coopération comme l’A400M, avion de transport militaire".


Ils distinguent une option à court terme (à horizon de deux ans), une groupement tactique permanent et commun; une option à moyen terme (un horizon de 5 à 10 ans), vers une plate-forme de drone civilo-militaire de surveillance, et enfin une option à long terme (10 à 20 ans), une coopération industrielle sur les véhicules blindés et protégés.


Les propositions sont stimulantes et elles "sont ouvertes à d’autres pays" que les 3 du Triangle de Weimar, insiste un expert.


Alors que les groupements tactiques (GT) ("battle groups" en anglais) n’ont encore jamais été utilisés, les experts proposent d’élargir le concept à celui de "BG plus" des GT ayant une capacité également civile. Ce GT, "de la taille d’une brigade", souligne Marcin Terlikowski, l’expert polonais de la note, serait également flexible. Il pourrait s’inscrire dans le cadre d’une coopération structurée permanente rendue possible par le Traité de Lisbonne.


Un marché commercial pour un drone civilo-militaire

Autre domaine de moyen terme, les drones. Il ne s’agit pas d’un nouveau projet de drones MALE, drones moyenne altitude, longue endurance , des drones qui volent plus de 24 heures d’affilée a une altitude de 10 000 a 20 000 mètres en général. Dans ce créneau il y a déjà des projets, notamment entre Dassault et BAE systems. De plus leur analyse suggère que ces drones ne répondent qu’à des problématiques opérationnelles uniquement militaires. Les experts proposent donc de développer un drone plus léger mais ayant des capacités tant militaires que civiles, ce qui le rendrait plus facile à vendre et lui permettrait de répondre à des demandes plus larges.


Son équipement modulaire fait que ce projet pourrait s’ouvrir à d’autres pays que les 3 Etats de Weimar, souligne notamment M. Maulny. Ce futur drone pourrait assurer, entre autres, la surveillance de frontières en bordure de l’Union européenne, ont convenu les participants au séminaire. Dès lors, il y a "un marché commercial" affirme un expert.


Troisième projet de plus long terme : la coopération sur des véhicules blindés. En la matière il y a des efforts importants à faire en Europe avec l’existence de 23 programmes nationaux parallèles, sources d’inefficacités et de concurrence stérile à l’exportation. On ne peut louer la proposition qui est ambitieuse et permettrait de structurer et consolider l’industrie de la défense en Europe qui est trop fragmentée.


Vision pragmatique

Au total, c’est une vision pragmatique et à valeur ajoutée qui est contenue dans ces propositions qui, si elles étaient suivies, contribueraient au développement de l’Europe de la défense dans ses composantes capacitaires et industrielles, mais avec aussi cette dimension civile qui est une des caractéristiques de la PSDC de l’Union.


Il reste que les propositions doivent être affinées, développées. Les participants du séminaire en ont convenu. Les industries doivent être contactées, approchées car un participant se demande si "l’industrie va suivre" ? Une première réponse a été donnée par Hilmar Linnenkamp : "c’est le Parlement qui fixe les règles et l’industrie suivra ensuite".


La période de fortes contraintes budgétaires sur les budgets de défense mais aussi civils est un argument de poids. "Elle pourrait enfin réveiller les gouvernements car jusqu’à présent ce n’était pas suffisant", remarque Marcel Dickow.


Partager plus c’est bien économiser plus pour optimiser les performances et les capacités civilo-militaires de l’UE, de ses Etats membres et de ses industries.

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