ANALYSES

« La politique est un défi » pour certains sportifs

Presse
6 mars 2012
Pascal Boniface - Francetv.fr
Qu’est-ce qui peut pousser les anciens sportifs à se lancer en politique ?

Il y a plusieurs raisons. Il y a déjà la conviction de pouvoir faire bouger les choses, de s’engager, et de ne plus être spectateur. Pour certains, c’est aussi l’occasion de passer à une seconde phase de leur vie. Ils ont terminé leur carrière sportive qui leur a donné beaucoup de satisfaction, et ils voient, après la petite mort que représente l’arrêt d’une carrière de sportif, l’intérêt de se lancer dans une nouvelle carrière. Celle-ci reste un défi, car les règles ne sont pas tout à fait les mêmes, et cela nécessite un nouvel apprentissage. Cela peut venir également des sollicitations qu’ils ont rencontrées. Je pense par exemple à Jean-François Lamour, ou David Douillet, qui ont rencontré dans leur parcours des hommes politique, Jacques Chirac en l’occurrence, puis Nicolas Sarkozy, qui les ont convaincus de s’engager.


Inversement, en quoi la présence d’un sportif dans une liste électorale, dans un gouvernement, peut-elle profiter aux hommes politiques ?

Il faut bien sûr que ce soit un sportif, ou un champion populaire. Quelqu’un qui amène, par sa différence, une popularité supplémentaire à l’équipe qu’il va rejoindre. Cela vient aussi du fait que le sport prend une place de plus en plus importante dans la société, les sportifs sont par conséquent plus médiatisés, et du fait de cette médiatisation, ils représentent un intérêt. Lorsque l’on sollicite un sportif, on pense qu’une partie de son aura et de sa popularité, viendront contribuer à l’aura et à la popularité de l’équipe gouvernementale, ou du parti politique.


Les anciens sportifs de haut niveau reconvertis en politique sont-ils plus de droite ?

Statistiquement, ils sont en effet plus proches des valeurs de droite que de gauche. Il est certain que la gauche a plus de mal à recruter des sportifs que la droite, et que, même si elle a fait une partie de son retard, il reste un avantage à la droite.


Comment expliquez-vous cette tendance ?

D’une part parce que la plupart des champions ont un niveau de vie qui les situe plutôt dans les couches plus aisées et favorisées de la société. On l’explique également par le culte de la performance, qui est plus considéré à tort ou a raison comme une valeur de droite. Peut-être aussi que la droite a mieux créé des réseaux avec les sportifs de haut niveau.


Un politique du sérail fera-t-il un meilleur ministre des Sports qu’un ancien sportif de haut niveau ?

Il n’y a pas de réponse de principe. C’est avant tout une affaire d’homme ou de femme. On peut très bien avoir de bons ministres des Sports qui n’ont pas été eux-mêmes d’anciens sportifs de haut niveau, et on peut très bien avoir d’anciens sportifs de haut niveau qui ne soient pas d’excellents ministres des Sports. Il faut vraiment juger les compétences, et les capacités de s’adapter au costume de Ministre des Sports, qui n’est pas un rôle facile. Il n’est pas nécessaire d’être ancien enseignant pour devenir ministre de l’Education, de même qu’il n’est pas nécessaire d’être docteur pour devenir ministre de la Santé…


Peut-on s’attendre à voir un ancien sportif professionnel dans un ministère régalien ?

Pourquoi pas. Il ne faut pas cantonner des gens à des aspects en disant que les sportifs ne sont bons qu’à être des ministres des Sports. Mais pour qu’un ancien champion se retrouve dans un ministère régalien, il faudrait qu’il ait montré autre chose que ses seules qualités sportives. Qu’il ait, dans une deuxième carrière, exercé des responsabilités associatives, ou politiques, dans un domaine en dehors du sport. Si ce n’était pas le cas, on pourrait trouver curieux que quelqu’un qui n’a pas l’expérience dans le domaine concerné, devienne ministre.


N’y a-t-il pas un risque de décrédibiliser le rôle du politique en confiant un rôle politique éminent à une personne qui n’était a priori pas destinée à cette fonction ?

Personne n’est destiné à exercer un poste, quel qu’il soit. C’est à la fin du parcours que l’on se rend compte si le bilan est réussi ou non. Le fait que la classe politique s’ouvre à des « extérieurs » n’est pas mauvais. Il est bon qu’il y ait des respirations, qu’il n’y ait pas un enfermement de politiciens professionnels. Qu’il y ait de la circulation et du mouvement, est plutôt une bonne chose. Il faut après se méfier de savoir si l’on fait appel aux sportifs pour leurs compétences réelles, ou uniquement pour être présent sur la photo. Est-ce qu’ils sont cautions, ou réels appoints, qui ont leur propre espace et leur propre autonomie politique ?


On retrouve également ce phénomène à l’étranger, comme par exemple en Afrique.

Oui car le sportif incarne l’identité nationale, qui n’est pas toujours incarné par la classe politique en Afrique. Mais vous avez également ce genre de chose aux Etats-Unis, où de très nombreux anciens sportifs professionnels se reconvertissent dans la politique. C’est un mouvement bien plus large que cela.

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