ANALYSES

Crise de la dette : « Ne pas mendier un chapeau à la main… »

Presse
10 juin 2012
Interview de [Fabio Liberti->http://www.iris-france.org/cv.php?fichier=cv/cv&nom=liberti], directeur de recherche à l’IRIS, par Sylvain Cottin
Pourquoi l’Espagne aura-t-elle jusqu’au bout laissé croire qu’elle pouvait se passer de l’aide européenne ?

D’abord parce qu’en demandant de l’aide à l’Europe, Mariano Rajoy redoutait de voir sa crédibilité réduite en miettes, lui qui s’est fait élire il y a moins d’un an sur la promesse de rétablir les finances de l’Espagne.


Il y a aussi une raison externe : Rajoy voulait absolument éviter que l’Espagne soit traitée comme la Grèce, c’est-à-dire contrainte d’abandonner sa politique économique à Bruxelles après avoir mendié un chapeau à la main.


Le fait que l’Europe subventionne des banques plutôt que l’État épargnera-t-il justement à l’Espagne une mise sous tutelle ?

Cette aide est a priori sans contrepartie, mais il faudra voir les détails de l’accord. À l’inverse de la France, l’Allemagne fait pression pour que l’argent transite directement par le gouvernement espagnol. Donner 100 milliards d’argent public aux banques plutôt qu’aux citoyens apparaît en effet comme un risque politique et symbolique considérable.


Plombée par l’explosion de la bulle immobilière, la situation des banques espagnoles était le plus gros problème du pays ?

Le plus gros, oui, mais pas le seul, même si la dette de l’Espagne est relativement basse par rapport à celle de l’Allemagne ou de la France. Sauf que le déficit public est totalement hors de contrôle dans les régions autonomes.


L’autonomie des 17 provinces espagnoles serait donc un frein majeur à la rigueur budgétaire défendue par le Premier ministre Rajoy ?

Oui, car si le gouvernement a tenu ses objectifs l’an dernier, les dépenses des communautés autonomes ont explosé jusqu’à faire grimper le déficit du pays à 9 %.


L’aide proposée par l’Europe aux banques espagnoles devrait malgré tout rassurer les marchés ?

Jusqu’à lundi peut-être, oui… Mais je pense qu’ensuite ils seront à nouveau sous tension. D’abord à cause de la perspective des élections en Grèce le 17 juin, et puis parce les marchés sont méfiants quant à l’avenir de la zone euro. Comme l’a dit le président de la Banque centrale européenne, les marchés veulent savoir si l’Union est vraiment un État – une communauté de destins – ou si les divisions entre les gouvernements vont à l’inverse tout faire capoter. À ce titre, le désaccord franco-allemand est fondamental, d’autant que nous sommes très très loin d’une entente entre les deux pays.


Quelle est la situation des banques françaises par rapport à leurs voisines espagnoles ?

Leur sort n’a heureusement rien à voir, parce que les banques françaises ont été plus sérieuses dans la régulation des prêts immobiliers. Pour autant, elles restent très exposées par leurs investissements dans des pays comme la Grèce, l’Italie ou l’Espagne justement. Sans oublier la menace que représente pour elles la dette souveraine française.

Sur la même thématique