ANALYSES

Collard et Maréchal-Le Pen : quelle marge de manœuvre pour le FN à l’Assemblée ?

Presse
20 juin 2012
- Nouvel Obs.com

Depuis que le Front national existe, c’est la troisième fois qu’il parvient à faire entrer des députés à l’Assemblée nationale – en 1986, en 1997 et en 2012. Si l’évènement inquiète, il est important, pour en comprendre le sens, de distinguer ses conséquences politiques de sa portée symbolique.


Un poids politique très limité

Objectivement, l’influence politique de Marion Maréchal-Le Pen et de Gilbert Collard sera sans doute très limitée dans l’Hémicycle. Les conditions ne sont en effet pas réunies pour que leur voix compte, ne serait-ce que parce qu’ils ne sont que deux, voire trois si on intègre Jacques Bompard, le candidat d’extrême droite de la Ligue du Sud. Sur 577 députés, cela fait très peu.

Avec trois députés, la formation d’un groupe parlementaire est impossible. Or ne pas avoir de groupe à l’Assemblée nationale signifie non seulement être amputé de moyens financiers, mais aussi d’influence politique, car il n’y a pas de temps de parole fixe accordé lors des questions au gouvernement ou des discussions dans l’Hémicycle.

D’autre part, les deux députés frontistes risquent, au moins dans un premier temps, d’être ostracisés au sein de l’Assemblée, dans la mesure où ils n’ont pas d’alliés. Nous verrons si les choses évoluent avec le temps.

Enfin, Marion Maréchal-Le Pen et Gilbert Collard ne sont guère représentatifs de la ligne officielle du parti. Le second a indiqué à plusieurs reprises qu’il n’avait pas l’intention d’être le porte-parole du FN et a clairement affirmé qu’il était mariniste et non frontiste. Quant à Marion Maréchal-Le Pen, la filiation du patronyme peut la servir, mais c’est peu dire qu’elle n’a aucune expérience politique et qu’il lui faudra du temps pour habiter sa nouvelle fonction. Les figures représentatives ont donc leur importance ; si Louis Aliot et Marine Le Pen avaient été élus, la donne aurait été tout autre.


Une portée symbolique réelle

Il ne faudrait pas, en revanche, sous-estimer la victoire symbolique que représente cette élection. Ce n’est pas seulement pour la France entière que le signal est fort, mais aussi, et surtout, pour les électeurs du Front national, ainsi que pour les militants.

L’entrée de députés frontistes à l’Assemblée – chose qui n’était pas arrivée depuis 15 ans – est une façon pour le parti de prouver à son électorat qu’il a eu raison d’y croire. Il démontre ainsi qu’il est en situation d’exercer une partie du pouvoir et en capacité de gagner des élections quand bien même le mode de scrutin, majoritaire, ne joue pas en sa faveur.

Cet événement peut donner une nouvelle raison d’espérer aux électeurs du FN et en convaincre de nouveaux, ceux-là mêmes qui pouvaient penser qu’il ne servait à rien de voter pour le Front national puisqu’il n’était jamais élu.

La symbolique est également forte pour l’entreprise de dédiabolisation du FN conduite par Marine Le Pen. C’est la preuve que cette stratégie – beaucoup critiquée, y compris au sein du parti – a payé.

Si l’influence politique concrète à l’intérieur de l’Hémicycle risque donc fort d’être quasi nulle, l’influence symbolique est puissante à l’extérieur. Reste les inconnues, notamment la stratégie qu’adopteront les deux députés du Front national.

Vont-ils pratiquer une politique d’opposition systématique pour faire parler d’eux et créer la polémique, ou opter pour l’alliance, plus constructive, avec d’autres parlementaires ? Et s’ils optent pour cette dernière possibilité, qu’obtiendront-ils en retour ? Il faudra attendre un peu pour obtenir des réponses à ces questions.

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