ANALYSES

Le Mouvement des non-alignés a-t-il un avenir ?

Presse
28 août 2012
Didier Billion - TV5 Monde
Plus de 20 ans après la fin de la Guerre froide, quel est l’héritage aujourd’hui de ce mouvement ? A-t-il toujours sa raison d’être ?

Non. Le Mouvement des non-alignés au cours des années, des décennies a été très rapidement traversé par des oppositions internes. Même si le point de départ était de constituer un regroupement international qui n’était aligné ni sur les États-Unis ni sur l’URSS. En réalité rapidement au sein même de ce mouvement, des pays ont été plutôt proches de Moscou et d’autres de Washington. La fiction d’un mouvement des non-alignés a fait long feu.


Évidemment quand on se projette près de 60 ans plus tard, non seulement les blocs qui existaient à l’époque et qui structuraient les relations internationales ont totalement disparus. Mais on n’est plus dans un monde binaire avec deux grands blocs.


D’autre part, les pays qui en 55 / 60 étaient de jeunes pays indépendants, sont devenus des pays adultes avec toute une série de difficulté comme l’Inde, la Chine, le Pakistan.


Des pays qui aujourd’hui sont suffisamment importants pour tisser leur propres relations d’alliances. Donc le fait de maintenir un mouvement des non-alignés, c’est un peu formel. Cela n’a plus n’a plus du tout la même réalité que celle qui présidait à la création du mouvement.


En tant que tel le non-alignement ne peut plus du tout avoir le même sens aujourd’hui non seulement parce que le monde s’est totalement modifié. Et ces pays qui sont partie de l’ordre mondial sont capables de gérer leur système d’alliance.


Je pense que le MNA est une fiction de la même façon que l’on parle des BRICS [Brésil,…) C’est un mot-valise. Mais en réalité, quel est le point commun en matière de politique, économique, … Entre la Russie, le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud ?


Le seul point est que ce sont des pays qui veulent s’imposer dans le domaine des relations internationales. Mais ça ne veut pas du tout dire qu’ils sont porteurs de projets communs. Le mouvement des non-alignés qui possède beaucoup plus de membres [120 en 2012, ndlr] est dans cette difficulté, cette incapacité à tracer une ligne qui lui soit propre.


Qu’est-ce qu’est aujourd’hui un pays non-aligné ?

Un pays non-aligné est un pays qui refuserait l’ordre régional, voir l’ordre mondial tel qu’il existe aujourd’hui. C’est-à-dire que l’Iran [qui va prendre la présidence du Mouvement des non-alignés après Égypte, ndlr], par exemple, refuse de passer sous les fourches caudines des États-Unis et de quelques autres pays notamment sur la question du nucléaire. En ce sens, on comprend que l’Iran, a une position réellement indépendante.


Mais c’est un cas d’exception dans les relations internationales car la plupart des autres pays sont plutôt proches de la Russie, ou de la Chine – quoiqu’il n’y en a pas beaucoup – des États-Unis, ou de l’Union européenne.


Et en outre, de mon point de vue, l’Iran est victime d’ostracisme de la communauté internationale. Parce que ce qu’on accepte de l’Inde, du Pakistan ou d’Israël en matière de nucléaire pourquoi ne l’accepterait-on pas de l’Iran ?


On nous dit que l’Iran est gouverné par des gens que l’on ne peut pas contrôler et donc ce serait très dangereux de leur laisser la bombe atomique mais ce n’est pas du tout la question. La question c’est que l’Iran n’est pas beaucoup plus dangereux que le Pakistan.


Mais justement, si la dite communauté internationale ne veut pas leur laisser la possibilité de se doter de l’arme nucléaire c’est parce qu’en réalité, les Iraniens refusent l’ordre régional que veulent imposer les États-Unis et quelques autres.


Le mouvement des non-alignés a-t-il encore une influence au niveau mondial ?

Au vue de la diversité des pays qui composent encore ce mouvement en quoi il pourrait y avoir un accord pour prendre une initiative sur la Syrie par exemple. On sait très bien qu’au-delà des déclarations lénifiantes, ils ne sont pas en situation de prendre quelque initiative que se soit sur la Syrie. On sait que l’Iran, est l’un des États qui soutient le régime de Bachar Al-Assad mais la plupart des participants au sein du sommet des non-alignés ne sont pas sur la même longueur d’onde.


Donc ils peuvent faire des déclarations, faire des projets d’une initiatives mais en prendre une réellement me paraît bien peu réalisable.


Les non-alignés en plus sont profondément divisé ne pourront pas prendre d’initiatives sauf d’appeler les protagonistes à la raison. Mais ça ne changera rien sur le terrain ni rien dans les rapports de force qui peuvent se constituer pour tenter de régler la crise iranienne.


Aujourd’hui quand on regarde la liste de non-alignés, il y a peu de points communs entre beaucoup de ces pays. Sauf qu’ils ont un passé de colonisés, sauf qu’ils ont appartenu au mouvement au moment de sa création. Mais c’était il y a plus de 50 ans. Aujourd’hui entre la Syrie, l’Iran, le Brésil ou tout autre pays d’Amérique du Sud ou d’Afrique sub-saharienne, quels sont les points communs concrètement ?

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