ANALYSES

L’Afrique du Sud a mauvaise mine

Presse
31 août 2012
Philippe Hugon - Métro

Les activités de la mine de platine de Marikana sont suspendues depuis le 10 août, après le lancement d’une grève par les mineurs, qui réclament de meilleures conditions salariales. Le conflit social a basculé dans le sang après l’intervention de la police, qui n’a pas hésité à tirer sur les grévistes, le 16 août. Bilan: 34 morts. Des négociations se poursuivent jeudi entre le groupe minier britannique Lonmin et les syndicats, sous l’égide du gouvernement sud-africain.


Des négociations ont débuté jeudi pour mettre un terme au conflit social dans la mine de Marikana. Ont-elles des chances d’aboutir ?

Cette grève est la plus importante depuis la sortie de l’apartheid. La violence et la répression ont été impressionnantes. Les négociations sont difficiles entre les propriétaires, une société britannique, stricte dans la gestion de la mine qui ne proposeront peu d’avancées et des syndicats engagés dans une lutte de pouvoir. Le Cosatu, organisation historique liée à l’ANC (Congrès national africain, parti au pouvoir), qui fait partie des négociations, risque de perdre la majorité des travailleurs syndiqués, alors que l’autre syndicat, l’AMCU, minoritaire mais à l’origine de la grève, semble prêt à en découdre. La question de représentation des travailleurs est également l’un des enjeux de cette situation.


Quelle est la situation des mineurs en Afrique du Sud ?

Les conditions de travail des mineurs sont extrêmement dures et les rémunérations faibles. Les travailleurs sont essentiellement des noirs sud-africains et des immigrés du Mozambique et du Malawi à la recherche d’un salaire minimum. Leur revendication, celle du triplement de leurs salaires (de 4.000 à 12.500 rands, soit de 400 à 1.250 euros), ne peut être acceptée, en raison d’un marché instable, dans lequel le prix du platine a baissé.


Quels enjeux cette crise revêt-elle pour le pays ?

L’enjeu est stratégique et politique. L’Afrique du Sud est liée aux ressources minières, même si l’économie du pays s’est depuis diversifiée vers les services. Cette situation est symbolique pour plusieurs raisons. Cette grève est particulièrement violente et démontre un signe de la perte d’influence du Cosatu et signe une remise en cause de la légitimité du président Jacob Zuma, avec un système incapable de faire respecter l’ordre sans réprimer dans le sang. (Le bilan de la tuerie du 16 août est estimé à 34 morts, ndlr).


Y a-t-il un risque d’explosion sociale, comme l’a affirmé le vice-président Kgalema Motlanthe, qui évoquait des "ingrédients pour une révolution" ?

Le risque de contagion existe. Depuis la sortie du régime d’apartheid, un pacte existe entre le Cosatu (principal syndicat) et le patronat blanc: rassurer les marchés et maintenir la privatisation des mines furent leurs engagements. On estime désormais ce pacte désuet, avec un Cosatu mis en minorité, ce qui pourrait conduire à une situation d’inquiétude, notamment du patronat encore majoritairement blanc et une fuite des capitaux, si une solution n’est pas trouvée à terme. 

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