ANALYSES

Les attaques de drones américains au Pakistan contre-productives

Presse
25 septembre 2012
Edouard Pflimlin - Le Monde.fr

Les attaques de drones américains sur des cibles et des réseaux terroristes au Pakistan sont contre-productives, indique un rapport des universités Stanford et de New York publié récemment, que relaie, mardi 25 septembre, le quotidien britannique The Guardian.


Cette étude, basée sur des entretiens avec des victimes, des témoins et des experts, critique le président américain, Barack Obama, pour l’escalade dans les frappes ciblées où les groupes terroristes sont sélectionnés simplement à travers une analyse à distance de leur menace.


En effet, ces engins sans pilotes sont conduits à distance, comme l’indique Le Monde diplomatique : "A plusieurs milliers de kilomètres de là, depuis la base de Creech, dans le Nevada (Etats-Unis), la Central Intelligence Agency (CIA) contrôle les drones. Un espace clos rempli d’écrans avec chacun un clavier et un joystick (manette de jeux vidéo)… C’est dans un univers aseptisé et sans risque pour les pilotes que sont conduits ces engins. Avec leur long et fin fuselage bombé à l’avant pour accueillir une antenne satellite, leurs ailes étroites et leurs dérives arrière inclinées, ces appareils ressemblent à d’inquiétants insectes." Ce qui pose de nombreux problèmes.


LA PEUR D’UNE INTERPRÉTATION ERRONÉE

Le résultat de telles frappes est que les familles pakistanaises "ont peur d’assister à des mariages ou des enterrements, du fait que les opérateurs américains au sol qui dirigent ces drones pourraient interpréter de façon erronée ces rassemblements comme étant ceux de militants talibans ou d’Al-Qaida", souligne le rapport.


Un autre doute, que souligne le rapport, est le caractère supposé "chirurgical" et "aux effets collatéraux minimisés" des frappes des drones américains dans le "pays des purs".


Le rapport estime que cet argument est "faux". Certes, il est difficile d’évaluer les pertes civiles dues aux frappes au Nord-Waziristan du fait de la difficulté d’obtenir des données précises, parce que le programme de frappe est obscur et largement caché. Mais selon des recoupements, entre 2 562 et 3 325 personnes ont été tuées au Pakistan entre juin 2004 et la mi-septembre 2012, dont entre 474 et 881 civils, incluant 176 enfants.


Ce bilan montre que les effets collatéraux sont bien réels. Par ailleurs, la présence permanente de drones au-dessus du territoire pakistanais, qui agissent sans prévenir, "terrorise la population hommes, femmes et enfants, provoquant anxiété et séquelles psychologiques parmi les populations civiles".


UN RÉSULTAT CONTRAIRE À L’EFFET ESCOMPTÉ

Pour l’administration Obama, qui a poursuivi et intensifié l’utilisation des drones pour détruire les groupes terroristes, les résultats sont probants. Comme le souligne Le Monde diplomatique : "Si elles ont atteint un pic en 2010 (117 attaques en un an, selon The Long War Journal), les attaques par des avions sans pilote demeurent intenses dans les zones tribales du Pakistan en 2012. Militants d’Al-Qaida, talibans afghans ou pakistanais… les drones mènent, à moindre coût, une guerre permanente à tous les insurgés. Et la disparition de l’ennemi numéro un pakistanais serait l’exemple le plus flagrant de la réussite de cette stratégie, qui a aussi atteint plusieurs cibles de ‘haute valeur’. Tout comme l’annonce par la Maison Blanche, en juin 2012, de la mort du numéro deux d’Al-Qaida, Abou Yahia Al-Libi."


Cependant, l’étude citée par The Guardian tire des conclusions diamétralement opposées. D’abord, le nombre de militants de "haut niveau", c’est-à-dire les responsables de haut rang, tués par ces frappes est très faible. Il est estimé à juste 2 % des morts. Par ailleurs, les frappes ont facilité le recrutement des groupes terroristes et ont motivé d’autres attaques contre les Américains et l’ISAF en Afghanistan. Et le rapport fait référence à "une autre étude qui montre que 74 % des Pakistanais considèrent maintenant les Etats-Unis comme un ennemi".

Sur la même thématique
Caraïbe : quels enjeux pour les opérations HADR ?
COP28 : Que peut-on en attendre ?