ANALYSES

Handball. Des joueurs de Montpellier soupçonnés de triche : ce n’est pas surprenant

Presse
26 septembre 2012
Pim Verschuuren - Le Plus du Nouvel Observateur

Le handball français en pleine tourmente. Des joueurs de Montpellier, dont Nikola Karabatic, sont soupçonnés d’avoir joué un rôle dans des "paris anormaux" lors de l’une de leurs rencontres. Une affaire qui ne surprend pas totalement Pim Verschuuren, chercheur à l’IRIS, co-auteur du livre blanc "Paris sportifs et corruption : comment préserver l’intégrité du sport".


Les soupçons qui pèsent sur certains joueurs du club de handball de Montpellier ne sont qu’une demi-surprise. Si voir un sport comme le handball, qui jouit d’une image positive et relativement lisse, être touché peut interpeller, on ne peut pas véritablement s’étonner de voir une telle affaire surgir, même en France.


Au cours de l’enquête que nous, l’IRIS, avons menée avec l’université de Salford, le cabinet Praxes-Avocats et l’université de Pékin, et qui a donné lieu à un livre blanc sur la corruption dans le sport, nous nous sommes rendus compte que ce phénomène touchait tous les sports, même les plus minimes, et surtout tous les niveaux.


Cela va des compétitions de billard, de sumo, de badminton aux matches de football de haut niveau, comme l’a récemment montré le scandale des matches truqués en Série A.


Les risques ne sont pas nouveaux

La France n’est pas à l’abri. Depuis la mise en place de la loi de mai 2010 sur la régulation des paris sportifs en ligne, des alertes ont déjà été émises dans le handball et le football français. Elles n’ont pas donné suite à une information judiciaire mais cela montre que les risques ne sont pas nouveaux.


Le marché français des paris sportifs reste globalement bien plus réglementé que ceux de nos voisins, anglo-saxons notamment. Là où un joueur français récupère en moyenne 84 euros pour 100 euros joués, ce retour au joueur peut monter jusqu’à 92-94 euros hors de notre juridiction et notamment au Royaume-Uni. La concurrence entre organismes de paris y est plus féroce. Pour séduire les parieurs, ils multiplient donc les possibilités de paris (à quelle minute va être sorti le 1er carton jaune par exemple), des paris plus facilement "truquables" qu’une victoire ou une défaite.


La difficulté de la lutte contre la corruption est double. Il est tout d’abord extrêmement difficile de prouver un acte de corruption.


1. Une défaite peut en effet être justifiée par des facteurs très diverses (un "jour sans", une erreur arbitrale, une erreur défensive…).


2. Surtout, malgré un marché bien régulé, la France n’est pas étanche aux paris venant de l’étranger. En Asie par exemple, des paris sont organisés sur des matches de troisième division française (National) et même des matches amateurs, ce qui est interdit en France. Ces parieurs peuvent alors tenter d’approcher ces équipes françaises pour influencer une rencontre et s’assurer une rente financière.


Le monde du sport est extrêmement fragile

Le fort retentissement du scandale autour de l’équipe de handball de Montpellier s’explique par l’implication potentielle de joueurs de gros calibres, des noms de joueurs de l’équipe de France étant même évoqués. On pourrait légitimement penser que ces joueurs seraient mieux à mêmes de résister aux tentatives de corruption dans la mesure où leurs revenus salariaux sont déjà confortables (l’année dernière Nikola Karabatic, par exemple, était rémunéré à hauteur de 20.000 euros bruts par mois).


Mais encore une fois, ce que ce scandale nous montre, et ce que l’enquête menée par l’IRIS avait déjà démontré, c’est l’ampleur du phénomène et l’extrême fragilité du monde du sport face aux paris truqués. Même les plus grandes compétitions sont vulnérables. La prise de conscience des institutions sportives a malheureusement été relativement tardive.


La lutte contre la corruption dans le sport passe sans doute par un meilleur encadrement des paris sportifs à une échelle nationale et supra nationale, mais aussi par un travail de sensibilisation auprès des sportifs, parfois fragiles et influençables, qui n’ont pas toujours conscience des risques que leur comportement peut engendrer vis-à-vis de la crédibilité de leur sport.

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