ANALYSES

« Obama n’est pas plus enclin à prendre en compte l’intérêt des Européens »

Presse
7 novembre 2012
Interview de - Euractiv
La réélection de Barack Obama à la Maison Blanche est vivement saluée en Europe, mais il ne faut pas s’attendre à un changement d’attitude du président américain envers le vieux continent, estime Thomas Snegaroff, chercheur à l’IRIS.
Que signifie cette réélection de Barack Obama pour l’Europe ? Faut-il s’attendre à un changement d’attitude ?

Non, la politique de Washington devrait rester stable. Barack Obama a été le premier président américain posteuropéen, tourné vers le Pacifique. Malgré un voyage triomphal à Berlin en août 2008 durant sa campagne, il a été distant avec l’Europe. Dès le départ, il a préféré discuter avec les puissances émergentes.

Dans la pratique il s’est rapidement rendu compte qu’il avait besoin des Européens, comme en Afghanistan. Et, en 2010, quand, pour des raisons intérieures, il a eu besoin de se « représidentialiser », c’est au Royaume-Uni et en Irlande qu’il s’est rendu. C’était presque un voyage initiatique, durant lequel il a mis en avant ses racines européennes, bu de la bière. Les Américains aiment élire un outsider, mais veulent ensuite qu’il conserve les alliances classiques.

Enfin, son rôle dans la crise de la zone euro reste marginal. Il a pris position, mais sans pouvoir aider directement, vu sa propre situation économique.
Une Amérique dirigée par Mitt Romney aurait-elle signifié le creusement d’un fossé entre les deux bords de l’Atlantique ?

Durant sa campagne, le candidat républicain a tenu un certain nombre de propos désobligeants envers l’Europe. Il l’a vraiment érigé en contre modèle et a même ajouté quelques jours avant le scrutin qu’il ne ferait pas de chèque pour la sauver du désastre financier. De toute façon, les Européens n’ont plus grand-chose à attendre des Etats-Unis qui n’ont plus les moyens, contrairement à la Chine.

Mais cette rhétorique n’aurait pas empêché Romney de commercer avec nous puisqu’il est, tout comme Obama, en faveur de la création d’un grand marché transatlantique.

Et il ne faut pas croire qu’Obama est forcément plus enclin à prendre en compte l’intérêt des Européens. Durant son premier mandat, la guerre commerciale entre Boeing et Airbus a continué de plus belle et son Buy American Act de 2009 a été perçu comme très protectionniste.
L’élection d’un président républicain ou démocrate, change-t-elle finalement quelque chose pour l’Europe ?

Pas grand-chose. Dans les deux camps, l’objectif est que l’Europe soit suffisamment forte pour pouvoir assumer sa part du « fardeau du monde libre », comme le pensait déjà l’administration américaine durant la Guerre froide. Mais, en même temps, il faut éviter que l’UE devienne un contre-pouvoir autonome.

En 2009, Barack Obama s’était prononcé en faveur de l’adhésion de la Turquie. Républicains et démocrates sont pour. Ce n’est pas anodin. Ils savent que le sujet est sensible et qu’il divise profondément. Cette prise de position avait mis un terme à l’Obamania des dirigeants européens.

En cas d’élection de Romney, nous aurions pu assister au retour d’une attitude similaire à celle de G.W. Bush, qui distinguait la nouvelle et la vieille Europe. Le candidat républicain s’était d’ailleurs rendu au Royaume-Uni et en Pologne lors de sa campagne, un signal fort envers deux piliers traditionnels de l’Otan. Son discours envers la Russie était aussi plus dur. Il l’avait qualifiée « d’ennemi numéro un ». De quoi imaginer un redéploiement militaire américain en Europe après les années de retrait d’Obama.
Sur la même thématique