ANALYSES

Israël : Barack Obama au pied du mur

Presse
19 novembre 2012
Pascal Boniface - Libération

Les armes se font de nouveau entendre autour de Gaza tuant des civils de part et d’autre. La communauté internationale reste impuissante. Barack Obama, désormais débarrassé des contraintes électorales, va-t-il s’impliquer davantage dans le règlement du conflit israélo-palestinien ? Se montrer plus offensif à l’égard de Benjamin Nétanyahou, le Premier ministre israélien ? Obama n’a jusqu’ici confirmé ni les promesses de son prix Nobel de la paix, bien trop anticipé, ni celui du discours du Caire qui avait soulevé tant d’espoirs. Lui qui avait pour objectif de réconcilier l’Amérique avec le monde musulman n’y est pas réellement parvenu. Principale raison, il n’a pas avancé d’un pouce sur la question du conflit israélo-palestinien, toujours au cœur des préoccupations des peuples arabes. Bien au contraire, il a cédé devant Nétanyahou.


Malgré le fait qu’Israël dépende largement de l’aide américaine, c’est Nétanyahou qui a imposé son agenda en mettant en avant la question iranienne, reléguant à l’arrière-plan la question palestinienne. Sur l’Iran, il fédère derrière lui la population israélienne et le Congrès américain. Il n’a pas hésité à humilier publiquement Obama en poursuivant ouvertement son programme de colonisation des Territoires palestiniens malgré la demande expresse du président américain d’y mettre fin. Et il a publiquement fait campagne en faveur de Mitt Romney. Par un curieux retournement des choses, Nétanyahou semble pouvoir exercer plus de pression sur Obama que l’inverse alors que ce sont les Etats-Unis qui protègent Israël et non le contraire. Barak Obama, au cours de la campagne électorale, avait été accusé par les républicains de n’être pas assez ferme dans son soutien à Israël. Il a dû mettre de côté ses préventions à l’égard de Nétanyahou.


Les deux candidats à la Maison Blanche ont donc fait assaut de déclarations pro-israéliennes au cours de la campagne. Comme l’a révélé le journaliste et expert Charles Enderlin, 69% des juifs américains ont, malgré les accusations des républicains, voté pour Obama. Plus significatif encore, seuls 10% des juifs américains ont voté en fonction de l’attitude du candidat à l’égard d’Israël. C’est dire que, malgré l’importance qu’on lui accorde, l’Aipac (le principal lobby israélien) n’a pas autant d’influence que cela. Le soutien à Israël n’est par ailleurs pas aussi déterminant qu’on le dit dans la décision des électeurs américains, y compris des électeurs juifs américains.


Le dernier président américain à avoir exercé de réelles pressions sur Israël est George Bush père : il n’avait obtenu le soutien des pays arabes dans la guerre contre l’Irak de 1990 à 1991 qu’à condition de s’occuper activement de la question israélo-palestinienne. Par la suite, il a tenu parole, organisant la conférence de Madrid en 1992 et surtout menaçant Yitzhak Shamir de ne plus garantir les prêts américains à Israël si le gouvernement israélien continuait sa politique de colonisation des Territoires palestiniens. Devant une telle menace, les électeurs israéliens, considérant que l’alliance avec les Etats-Unis était essentielle à la survie d’Israël, avaient rejeté Shamir et amené Yitzhak Rabin à la tête du gouvernement israélien. Mais, en 1992, George Bush avait perdu les élections. Lui (et son fils) en avait conclu que les menaces à l’égard d’Israël avaient été la cause de cette défaite. La situation économique et l’existence d’un candidat indépendant (Ross Perot), très fort à l’époque, semblent davantage en être les véritables raisons.


Le débat en Israël est lancé de savoir si Nétanyahou n’a pas été imprudent de choisir le mauvais cheval, Romney, dans l’élection présidentielle américaine et de se conduire comme un adversaire d’Obama. Si celui-ci en tirait les conclusions et prenait ses distances avec Nétanyahou, il y aurait de fortes chances que les électeurs israéliens choisissent le candidat centriste comme nouveau Premier ministre. Obama aurait alors les mains plus libres pour travailler en bon accord avec un nouveau gouvernement, plus sincère dans la recherche d’un accord de paix. Ce n’est pas une affaire de vengeance par rapport à l’engagement imprudent de Nétanyahou en faveur de Romney. Cela lui permettrait de réaliser ses objectifs en faveur du règlement du conflit israélo-palestinien ; la sécurité mondiale et le prestige international des Etats-Unis en seraient renforcés. Il faudra voir s’il prend le risque d’interférer dans les élections israéliennes à la hauteur de ce que Nétanyahou a cru pouvoir faire dans les élections américaines. 

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