ANALYSES

« Le PSG symbolise la mondialisation du football »

Presse
3 avril 2013

Fondateur et directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), Pascal Boniface est un expert en géopolitique et un passionné de sport, dont il a fait d’ailleurs un champ d’étude et d’action (il est secrétaire général de la Fondation du football).


Ce PSG-Barcelone n’est-il pas, au fond, une illustration des plus emblématiques de la stratégie d’influence du Qatar par le biais du sport ?

Le hasard du tirage au sort fait que deux clubs auxquels le Qatar est associé, l’un comme propriétaire, l’autre comme sponsor maillot, ce qui n’est pas la même chose, vont devoir s’affronter. Le Qatar sera effectivement au centre de l’un des matchs les plus attendus de ces quarts de finale de la Ligue des champions. 


Certains s’alarment de son influence grandissante. Qu’en pensez-vous ?

Il y a des règles très strictes à l’UEFA. Personne ne peut être propriétaire de deux clubs différents. Et je ne crois pas que les Barcelonais, du fait de cette publicité [le sponsoring de Qatar Foundation, NDLR], vont céder le match parce que le Paris Saint-Germain est la propriété du Qatar. Ceci étant, ce à quoi nous assistons, c’est à une très grande internationalisation du football, sauf en Allemagne, où les clubs sont des propriétés nationales. En Espagne, de nombreux clubs sont des associations et propriétés des « socios » [les supporters-actionnaires, NDLR]. Tous ne le sont pas, Malaga, par exemple, appartient à un investisseur qatari. En Angleterre, peu de clubs de Premier League appartiennent à des Anglais. En France, on a le cas du Qatar pour le Paris Saint-Germain, et des Russes pour Monaco. Ce qui arrive au PSG est très emblématique : pourquoi un pays du Golfe achète le Paris Saint-Germain ? C’est parce qu’il y a la tour Eiffel sur le maillot, et que la tour Eiffel est mondialement connue. Et donc, un Etat relativement petit du Golfe achète un club français, fait venir des stars étrangères, et notamment un entraîneur italien, pour attirer un joueur anglais, en fin de carrière aux Etats-Unis, afin de conquérir le marché asiatique. On a un résumé de la mondialisation du football entre le Qatar, le Paris Saint-Germain, Ancelotti et Beckham.


Faut-il s’en inquiéter ? Y a-t-il un risque pour le sport ?

L’une des affaires de corruption qui ont le plus défrayé la chronique, c’était l’affaire OM-Valenciennes qui n’était pas liée à l’achat par des étrangers des clubs. Alors, on peut dire que le football perd son âme. Ce qui est important, c’est, au-delà de la tour Eiffel, de garder une âme parisienne. Il est difficile de refuser la mondialisation. On peut par contre la réguler et fixer des règles pour que l’éthique de la compétition reste. Le dispositif de fair-play financier que Michel Platini met en place au sein de l’UEFA y contribue largement.


L’Europe a beaucoup bénéficié de cette mondialisation. Au fond, la première mondialisation du football a été une européanisation. Il y a quelques années on s’inquiétait que la Premier League anglaise ne concentre l’essentiel du football, et, finalement, il n’y a pas de clubs anglais en quarts de finale de la Champions League [cette année, NDLR]. Très bientôt va s’ouvrir la Chine. Les pays du Golfe vont se renforcer. On peut penser qu’avec le développement de l’Afrique il y aura des clubs africains qui deviendront compétitifs. Cette mondialisation est globale.


Jusqu’où peut aller le Qatar dans le sport ?

L’objectif est clair : c’est la Coupe du monde de 2022. Que cherche le Qatar ? Il cherche à être visible, à se protéger. Au lieu d’acheter des armes, il investit dans le sport. C’est une stratégie de long terme.  

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