ANALYSES

La menace terroriste

Presse
30 avril 2013
Pascal Boniface - La Croix
Les attentats de Boston ont remis le terrorisme au premier plan de l’actualité dans le monde occidental. Il ne l’a en fait jamais réellement quitté depuis 2001, voire les années 1990. Depuis, les différents documents de sécurité nationale, livres blancs sur la défense, qui sont publiés dans ces pays mettent régulièrement le terrorisme comme la principale source de menace pour la sécurité des pays occidentaux.

Si ce n’est pas toujours ouvertement affirmé dans les documents officiels, c’est bien le terrorisme d’origine islamiste qui est en cause. Les attentats de New York en 2001, de Madrid en 2004 et de Londres en 2005 ont durablement frappé lesconsciences.

Le terrorisme a ceci de particulier que contrairement à la guerre classique il peut frapper les civils alors qu’ils accomplissent des actes de la vie quotidienne. Il frappe par surprise et peut donc représenter un danger à la fois invisible et permanent. Il ne peut y avoir de sécurité absolue face au terrorisme. Le risque zéro n’existe pas ; par définition, il frappe des innocents. Ajoutons que, par l’horreur qu’il suscite, il dessert généralement les causes qu’il prétend promouvoir.

Ceci dit, il n’est pas interdit de poser quelques questions et lancer quelques réflexions. La première est que le monde occidental est bien plus sensible au terrorisme qui le frappe qu’aux attentats qui se déroulent en dehors de son périmètre, et ce même s’ils sont plus meurtriers. Cela fait partie du jeu traditionnel. On a toujours plus d’empathie pour ses proches que pour des gens lointains. Le jour même où les attentats de Boston faisaient trois morts, d’autres attentats en Irak en faisaient plusieurs dizaines.

Les médias occidentaux ont fait leur « une » sur les attentats de Boston et ont à peine évoqué ceux qui se déroulaient en Irak. Il est vrai que là-bas le terrorisme frappe bien plus souvent et plus lourdement. Mais voilà une première contradiction : le monde occidental, qui proclame avoir des valeurs universelles, n’applique pas la même universalité à son émotion face aux attentats. Un mort chez lui a toujours beaucoup plus de valeur que des dizaines de morts ailleurs.

Le second paradoxe est que c’est justement parce qu’ils sont devenus rares que les attentats terroristes frappent beaucoup plus les imaginations. En réalité, le terrorisme djihadiste est en recul de façon importante dans le monde occidental. Si l’on s’en tient aux seuls chiffres, l’affaire est évidente. Selon les chiffres fournis par Europol, institution policière qui rassemble pour les 27 pays de l’Union européenne tous les cas d’attentat réussis ou même entrepris, le terrorisme disparaît progressivement d’Europe. En 2012, 25 des 27 pays de l’Union européenne ne signalent plus d’attentats, ni même de tentative sérieuse d’attentat. Et encore, ceux qui ont été organisés concernaient l’ETA en Espagne qui n’a rien à voir avec l’islamisme, l’Ulster (Irlande du Nord) pour le Royaume-Uni et la Corse pour la France. De surcroît, l’IRA en Irlande du Nord et l’ETA au Pays basque ont renoncé à la lutte armée. Pour ce qui est des attentats revendiqués ou attribués à des islamistes, on en compte seulement quatre depuis 2009, et zéro en 2011 et 2012. Il y a bien sûr des cas de « loup solitaire », des personnes un peu paumées, des criminels individuels du type Mohamed Merah en France, qui sont certes capables de tuer, qui sont porteurs de haine mais qui sont fort heureusement isolés. Comme le souligne Xavier Raufer, « Le terrorisme djihadiste agonise » (1).

Il y a en fait une disproportion entre la focalisation du monde occidental vis-à- vis du terrorisme et le nombre de victimes de celui-ci. La libre circulation des armes à feu aux États-Unis fait bien plus de morts chaque année que le terrorisme. Pourtant, depuis dix ans, Washington a dépensé 690 milliards de dollars (527 milliards d’euros) dans la « lutte contre le terrorisme », sans parler du coût des guerres d’Afghanistan et d’Irak.

Il y a certes une menace terroriste. Elle est médiatiquement surdimensionnée, comme si elle avait remplacé avec la même ampleur la menace soviétique. La prise en compte de la menace terroriste ne doit pas conduire à bloquer toute réflexion sur les défis sécuritaires et leur hiérarchie. (1) Xavier Raufer, Géopolitique de la mondialisation criminelle, PUF, avril 2013.
Sur la même thématique
Caraïbe : quels enjeux pour les opérations HADR ?