ANALYSES

Rohani à la tête de l’Iran : un changement de méthode, plutôt que sur le fond

Presse
17 juin 2013

TROIS QUESTIONS A… Thierry Coville, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialiste de la République islamique et professeur d’économie internationale à Novancia.


Comment expliquez-vous la victoire du réformateur Hassan Rohani, qui n’était pas parmi les candidats les plus attendus, dès le premier tour de la présidentielle iranienne? 

La victoire du modéré Hassan Rohani n’est pas vraiment une surprise compte tenu de sa stature et de l’environnement sociétal iranien. Il faut savoir qu’en Iran, quand le processus électoral n’est pas entaché de fraudes, quand il est crédible, le candidat réformateur gagne toujours. Et Hassan Rohani, dont la candidature a suscité l’adhésion, s’est toujours mis dans le camp réformateur. Ses déclarations et prises de position contre la répression des étudiants, contre la censure de la télévision publique et pour la liberté d’expression ont toujours été sur la même ligne, lui donnant une grande crédibilité. 

  


Quels sont les principaux défis internes que Rohani va devoir relever ?

Les défis internes que le nouveau président est appelé à relever sont énormes. Il doit notamment trouver un moyen d’ouvrir politiquement et économiquement l’Iran sans perturber le système (conservateur, ndlr) qui a bloqué l’ancien président réformateur Mohammad Khatami (1997-2005).


La priorité de Rohani va sûrement être l’amélioration de la situation économique de l’Iran en oeuvrant pour une levée des sanctions internationales étouffantes imposées contre le programme nucléaire de Téhéran.


Pour s’assurer un mandat fort et pour respecter ses promesses, sachant que le président n’a pas tous les pouvoirs en Iran, Rohani doit également lancer des négociations avec les autres camps politiques afin de former un gouvernement crédible. Le choix des ministres qui se chargeront des portefeuilles économiques est, dans ce contexte, très important.


Peut-on attendre du nouveau président iranien un changement de fond en matière de politique étrangère, notamment en ce qui concerne les négociations sur le nucléaire iranien et la Syrie?

Rohani ne va pas complètement changer les objectifs de l’Iran qui sont liés aux intérêts nationaux de la République islamique et à sa place dans la région. Le soutien de Téhéran au régime syrien et au Hezbollah libanais qui combat à ses côtés les rebelles, ainsi que le dossier nucléaire iranien relèvent des enjeux géopolitiques de la République islamique. Je vois mal Hassan Rohani, qui est toujours représentant de l’ayatollah Ali Khamenei au sein du Conseil suprême de la sécurité nationale, prendre le contre-pied de la politique internationale adoptée avant son élection.


Toutefois, la méthode adoptée par Rohani va être forcément différente de celle de son prédécesseur, notamment dans les négociations avec les pays occidentaux. A long terme, cela pourrait bien avoir un impact positif, même si l’on n’y croit pas vraiment.