ANALYSES

Boniface : « Les intellectuels ont perdu de leur influence »

Presse
9 juillet 2013
Directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et enseignant, Pascal Boniface publie Les Intellectuels intègres, un ouvrage de quinze entretiens avec, entre autres, Stéphane Hessel, Régis Debray, Jea Ziegler, mais aussi Emmanuel Todd, Edgar Morin ou encore Dominique Wolton. Ce livre fait suite au premier volume intitulé Les Intellectuels faussaires qui avait valu à Pascal Boniface, il y a un peu plus d’un an, de solides inimitiés, notamment celles de BHL, Caroline Fourest ou Alexandre Adler…

 

Comment distinguez-vous les intellectuels intègres des intellectuels faussaires ?



Les travaux des intellectuels intègres sont nombreux, sérieux, étudiés, commentés. Ils ont constitué une véritable œuvre et mettent leur notoriété au service de causes qu’ils pensent justes. Ils ont un vrai statut d’intellectuels alors que les autres participent plus à une bulle politico-médiatique pouvant aider leur notoriété.

 

Est-ce que l’intellectuel a toujours le monopole de la parole publique ?




Non, il ne l’a plus. D’un certain côté, on peut s’en féliciter parce que les monopoles ne sont jamais bons. De l’autre, malheureusement, on ne distingue pas toujours le bon grain de l’ivraie.

 

La parole des intellectuels a-t-elle manqué au débat sur le mariage pour tous ?




Dans des débats passionnels, l’analyse plus fine a plus de mal à se faire entendre. On l’a vu avec la loi sur le mariage pour tous où deux France s’opposaient avec des arguments radicalement opposés. On préfère parfois des explications plus faciles.

 

Le milieu politique est-il coupé de professions intellectuelles comme l’écrit Régis Debray ?




Je suis moins pessimiste que Régis Debray, mais c’est en partie vrai. Auparavant, les responsables politiques lisaient les œuvres des intellectuels. Aujourd’hui, ils lisent la quatrième de couverture et regardent la téléréalité pour se sentir plus proches de leur base. Effectivement, il y a une perte d’influence des milieux intellectuels intègres par rapport à la classe politique, plus sensible aux arguments marketing des intellectuels faussaires.

 

François Hollande consulte-t-il des intellectuels ?




Tous les chefs d’État consultent des intellectuels. Encore faut-il savoir ce qu’ils en retiennent. Les derniers présidents qui avaient véritablement le goût des choses intellectuelles ont été Pompidou et Mitterrand. Pour la classe politique actuelle, les intellectuels sont moins intéressants parce que le rapport au temps a changé. Désormais, il faut répondre immédiatement à des demandes de la société.

 

Sarkozy avait déclaré ne pas être un intellectuel. Hollande en est-il un ?




Non, parce qu’il n’a pas produit une œuvre. Être un responsable politique n’est pas infamant et ne pas être un intellectuel n’est pas anormal.

 

Notre société pourrait-elle se passer des intellectuels ?




Certains le font très bien ! Les intellectuels ont cependant une fonction essentielle à la compréhension de la société : ils tentent de l’éclairer pour l’améliorer. Un monde sans intellectuels serait un monde moins satisfaisant, mais ils ne peuvent pas, à eux seuls, satisfaire tous les besoins de la société qui demande beaucoup plus.
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