ANALYSES

Été 2013: le retour du risque géopolitique sur le pétrole?

Presse
12 juillet 2013

Les récents évènements en Égypte ont inquiété les marchés pétroliers et ont provoqué une hausse des prix, certes probablement temporaire. L’Egypte n’est pas un grand pays pétrolier, sa production dépassant à peine les 500 000 barils/jour. Mais il s’agit d’un pays clé en ce qui concerne le transport d’hydrocarbures : environ 3 millions de barils/jour passent en moyenne par le canal de Suez et par l’oléoduc parallèle Sumed (Suez-Mediterranean Pipeline). On  comprend donc pourquoi l’instabilité en Égypte préoccupe les opérateurs pétroliers.


Or, il existe d’autres sources potentielles d’instabilité qui pourraient se manifester dans les prochains mois. Elles concernent notamment trois grands pays pétroliers : l’Iran, l’Irak et la Libye.


Dans le cadre du dossier nucléaire, l’Iran est soumis depuis le début 2012 à un embargo pétrolier de la part de l’Union européenne et au renforcement des sanctions financières imposées par les Etats-Unis. Ces mesures visent – au moins en partie – à dissuader Israël de mettre en œuvre ses menaces récurrentes d’intervention militaire contre les installations nucléaires iraniennes.


Il faut reconnaître l’efficacité des sanctions occidentales : à défaut d’acheteurs, la production iranienne de brut a chuté de 3,6 millions de barils/jour à l’automne 2011 à 2,5 millions de barils/jour aujourd’hui, avec des conséquences importantes sur l’économie – comme le montre la dévaluation de l’ordre de 30 % du taux officiel de la devise nationale, le rial. Par ailleurs, l’élection de Hassan Rohani comme nouveau président en juin 2013 a été perçue comme un signal d’apaisement et comme une opportunité de relancer les négociations sur le dossier nucléaire.


Il convient toutefois de rester vigilant : le temps passe et, face aux probables progrès techniques iraniens, Israël pourrait considérer que la « ligne rouge » que son premier En Libye, des incidents autour des installations pétrolières sont néanmoins de plus en plus fréquents et ceci se traduit par une baisse de la production ministre Netanyahou avait tracée en septembre 2012 lors dans son intervention aux Nations unies est en passe d’être franchie, et décider d’une intervention militaire. Cette hypothèse est certes peu probable à ce jour, mais si elle venait à se réaliser les conséquences militaires ainsi que sur la production et le transport du pétrole seraient imprévisibles, générant à coup sûr une réaction de panique sur les marches du pétrole.


En Irak, la situation politique et sécuritaire connaît depuis quelques mois une nette dégradation, avec une dérive autoritaire du gouvernement de Nouri al-Maliki, une aggravation des tensions interconfessionnelles et une violence accrue. La question de la production pétrolière au Kurdistan irakien n’est toujours pas réglée, et la récente annonce de l’ouverture dès septembre d’un oléoduc entre le Kurdistan et la Turquie n’est pas de nature à apaiser les relations entre le gouvernement régional du Kurdistan et l’administration centrale.


Les conséquences de cette dégradation sont visibles sur la production de pétrole : alors que la plupart des analystes s’attendaient à une hausse de la production irakienne, celle-ci stagne depuis le dernier trimestre 2012, avec même une petite réduction ces derniers mois (de 3,35 millions de barils/jour en novembre 2012 à 3,2 millions de barils/jour en juin). Et la situation pourrait encore empirer prochainement.


La Libye connaît aussi une dégradation des conditions sécuritaires, avec la formation d’une multitude de milices et une multiplication des actes de violence. Le gouvernement central rencontre de plus en plus de difficultés à exercer le contrôle sur l’ensemble du pays et, conscient de l’importance de l’activité pétrolière, a créé une « police du pétrole », la Petroleum Facilities Guard, forte de 15 000 membres. Des incidents autour des installations pétrolières sont néanmoins de plus en plus fréquents et ceci se traduit par une baisse de la production, qui en juin s’est établie à 1,13 million de barils/jour, alors qu’à l’été 2012 elle avait recouvre le niveau d’avant la révolution, c’est-à-dire 1,6 million de barils/jour. Pour la Libye aussi, une aggravation de la situation est à craindre.


Au total, les risques de perturbation de l’offre internationale de pétrole dans les prochains mois sont certainement importants – notamment par rapport aux pays mentionnés. Les marchés pétroliers commencent à en prendre conscience. Dans l’éventualité de perturbations significatives et afin de freiner une trop forte hausse des prix, il est probable que l’Opep et notamment l’Arabie saoudite augmentent leur production, voire que l’Agence internationale de l’énergie décide l’utilisation des stocks stratégiques. 

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