ANALYSES

«Xi Jinping ne parvient pas réellement à s’imposer»

Presse
13 novembre 2013

La Chine devra indéniablement faire face à de lourds défis dans les prochaines années. D’un point de vue économique, il s’agira notamment d’endiguer la baisse de la croissance du PIB, de recentrer l’économie sur la demande intérieure, de supporter le vieillissement de la population. Sur le plan environnemental, le gouvernement devra nécessairement trouver une solution pour limiter la pollution. C’est cette lourde tâche qui incombe à Xi Jinping, arrivé au pouvoir il y a tout juste un an. Jean-Vincent Brisset, spécialiste de l’Empire du Milieu, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), répond à nos question sur la situation en Chine.


La lutte contre la corruption semble une préoccupation majeure pour le gouvernement, des réformes ont-elles été mises en place en ce sens par Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir il y a un an ?

Le terme de réforme est quelque chose de très occidental, qui implique qu’il y ait des lois, des normes, qui soient fixées. Ce n’est pas exactement ce qui se passe en Chine. Il y a bien sûr des changements, des modifications, mais c’est avant tout parce que les lignes bougent, avec par exemple des choses autorisées autrefois qui ne les sont plus. On a pas, au sens propre, de réformes, de mises en place d’éléments très formatés comme on pourrait l’imaginer.


Pour la corruption, il est vrai que le gouvernement s’est engagé en ce sens. La lutte contre la corruption offre plusieurs avantages, en particulier celui d’être quelque chose de très consensuel au niveau de la population. Il ne faut pas oublier que lors des manifestations de la place Tian’anmen en 1989, elle était au cœur des revendications.


L’autre « avantage » pour le gouvernement est le fait que cela leur permet d’écarter un certain nombre d’opposants, qui ont pour point commun d’être conservateurs, anti-libéraux, pour le maintien d’un système maoïste. Cela a commencé avec Bo Xilai, il y en a eu d’autres, et cela va se poursuivre.


Est-ce que les Chinois attendaient réellement des avancées démocratiques avec le changement de président ? 

La démocratie, pour l’instant, n’est pas la première préoccupation des Chinois. Ces questions, la démocratie, les libertés individuelles, ne sont pas, d’après moi, au centre des revendications en interne, mise à part pour une frange très minoritaire de la population. Ce que veut le peuple chinois, c’est surtout et avant tout, pouvoir vivre décemment.


On attend du gouvernement qu’il règle les grands problèmes économiques et sociaux de la Chine, avec en premier lieu, la fracture sociale au sein de la population. L’autre problème qui préoccupe les Chinois, c’est la pollution, qui atteint un niveau inacceptable dans de nombreuses villes.


Xi Jinping a-t-il vraiment un pouvoir suffisant pour faire changer les choses en Chine ?  

Ce que l’on peut constater, à l’heure actuelle, c’est une certaine vacuité du pouvoir. Xi Jinping essaie de s’imposer mais donne l’impression de ne pas vraiment y parvenir. Il a vraiment les mandats pour sur les trois piliers, l’armée, le parti, la nation, mais ne s’impose pas comme a pu le faire, dans une certaine mesure un Jiang Zemin.


C’est en partie dû au fait qu’au sein de ces trois piliers se manifestent des luttes entre la norme conservatrice et la norme moderne. Il n’y a pas de réelle unité au sein de parti communiste chinois, il s’y trouve des gens extrêmement conservateurs, nationalistes et d’autres beaucoup plus « modernes », pour prendre des termes occidentaux, libéraux.


Comment compte réagir le gouvernement face au vieillissement de la population chinoise qui devient un problème de plus en plus pressant ?

Il y a toujours cette opposition au niveau du gouvernement entre les libéraux et les conservateurs. Certains libéraux commencent à penser à la mise en place d’un système de retraite par capitalisation, sur le modèle anglo-saxon, qui fonctionne même s’il est imparfait.


Pour l’instant, la retraite est essentiellement financée de manière familiale, par l’épargne, l’Etat ne participe que très peu.


Quelles sont les avancées marquantes à mettre à l’actif du nouveaux président et quelle sera l’orientation de la suite de son mandat ?

Il a remis au pas certains ministères, et effectué une certaine purge interne au parti communiste. A côté de cela, on note en revanche une certaine détérioration des rapports en le parti, l’Etat et l’armée.


Pour l’instant, il cherche avant tout à obtenir un pouvoir de décision plus fort. Il succède à Hu Jintao, qui a en quelque sorte gouverné en mettant la poussière sous le tapis, en repoussant les changements nécessaires. Pour sa part, Xi Jinping a vraiment pour ambition de faire bouger son pays. Il y a chez lui, et chez de plus en plus de dirigeants chinois, particulièrement au sein de la jeune génération, une volonté de normaliser la Chine dans le monde.


Economiquement, l’arrivée d’un nouveau président marque aussi un changement. En réponse à la crise de 2008, Hu Jintao avait pris le pari de faire de grands travaux, des grandes opérations. Xi Jinping est totalement revenu en arrière.


La suite dépendra vraiment du rapport de force entre conservateurs et libéraux, même s’il est indéniable qu’un nombre croissant de dirigeants ont pris conscience des limites du modèle marxiste maoïste.

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