ANALYSES

« Reconnaître les crimes des deux côtés »

Presse
26 février 2014
La France doit-elle, selon vous, poursuivre son intervention en Centrafrique ?



 Il se trouve que la France s’est retrouvée en première ligne face à un chaos qui ne fait aujourd’hui que s’aggraver. Il serait difficile de partir maintenant. Les forces françaises étaient présentes pour désarmer les ex-Séléka (coalition à majorité musulmane) mais ont été débordées par les actions très violentes des anti-Balaka (milices de défense animistes et chrétiennes). Les forces françaises ne sont pas les seules, mais ses 1800 hommes sont essentiellement concentrés à Bangui, la capitale, pour sécuriser un certain nombre de points stratégiques comme l’aéroport. Il existe aussi les forces de la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique), au nombre des 1800 hommes. Mais ces troupes militaires ne parviennent pas pour l’instant à rétablir l’ordre et la sécurité dans un pays qui est plus grand que la France.


Cela signifie-t-il qu’il faudrait au contraire augmenter le contingent français et international ?



Il faudrait au moins 10 000 hommes pour assurer un minimum de sécurité. D’autant qu’il ne s’agit pas d’un pays en guerre et d’actions militaires classiques, mais plutôt d’un travail de police pour assurer la sécurité des populations.


L’élection de la présidente n’a donc pas permis de ramener la paix ?



Catherine Samba-Panza a été élue par le Conseil national de transition(CNT). Celui-ci a une faible légitimité, même si ce choix était bon en théorie, puisqu’elle avait une expérience de la négociation et n’était pas trop identifiée à un camp ou un autre. Elle n’avait tout simplement pas les moyens de sa politique. D’autant que la Centrafrique est aujourd’hui un pays sans État, sans activité économique, avec des situations de haine entre communautés qui rappellent le Rwanda.


Quelle peut être la solution ?



Il faut impérativement créer des commissions de réconciliation, que des responsables religieux, de partis ou de syndicats, prennent la parole, que l’on reconnaisse les crimes de part et d’autre afin de pouvoir les dépasser. Les deux camps se sont rendus responsables de violences.


Le conflit n’est pas religieux ?



Il a pris une forme confessionnelle, mais il ne se réduit certainement pas à une cristallisation autour de la question religieuse. C’est tout de même un pays très animiste, avec des sectes chrétiennes très variées. Ce conflit n’a pas non plus de motivation idéologique ou économique, à part le contrôle du diamant. C’est d’abord un conflit entre personnes qui ne sont pas du même groupe, devenu haineux et irrationnel.

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