ANALYSES

Iran : bientôt un accord final sur le nucléaire ?

Presse
21 mars 2014

L’Iran et les puissances du groupe « 5+1 » (Chine, Etats-Unis, Russie, France, Royaume-Uni, et Allemagne) ont à nouveau discuté du programme nucléaire iranien lors d’une rencontre mercredi 19 mars à Vienne. Les différentes délégations espèrent, d’ici au mois de juillet, arriver à un accord final après la signature d’un accord intérimaire, conclu en novembre dernier. Décryptage, avec Thierry Coville, de ces négociations qui présentent encore plusieurs points d’achoppement.


Des nouvelles discussions ont eu lieu mercredi à Vienne au sujet du programme nucléaire iranien. Le ministre iranien des Affaires étrangères s’est dit optimiste, déclarant qu’il voyait les signes d’un « accord final ». Quels sont les points délicats qui restent à négocier ?



Les négociations portent notamment sur le site d’Arak, un réacteur nucléaire qui doit permettre de produire de l’eau lourde. Du côté occidental, on voudrait que l’Iran arrête la construction de cette usine, mais l’Iran rechigne. Les discussions portent également sur les contours définitifs du programme nucléaire iranien, et notamment sur la question de l’enrichissement de l’uranium (dans quelles conditions doit-il être mené, combien faut-il de centrifugeuses etc.). Les discussions doivent également porter sur la fermeture du site de Fordou, où l’Iran fabrique de l’uranium. Si les Occidentaux souhaitent cette fermeture, le ministre des Affaires étrangères iranien ne veut cependant fermer aucune installation nucléaire.


Le plan élaboré il y a quelques mois concernant ce programme nucléaire prévoit une levée des sanctions financières internationales. Quel impact ces sanctions ont-elles aujourd’hui sur l’économie iranienne ?



C’est surtout depuis 2012 que l’on voit un impact de ces sanctions sur l’économie iranienne. Les exportations de pétrole de l’Iran ont par exemple diminué de 50%. Les importations de l’Iran ont en partie baissé, même si l’Iran a orienté son commerce extérieur vers ses voisins et vers l’Asie, mais il a eu des difficultés à importer. Tout cela a conduit à une récession d’au moins 5% de recul pour le PIB en 2012, et l’inflation a commencé à dépasser les 50% entre fin 2012 et début 2013. La situation économique est donc catastrophique, et le taux de chômage atteint, selon des estimations récentes, les 20%.

Les sanctions ne sont néanmoins pas responsables de toutes les difficultés économiques de l’Iran, même si elles ont contribué à l’aggravation de la situation. Le président, élu en juillet 2013, a toutefois promis à la population d’améliorer la situation économique en arrivant à un accord négocié sur le nucléaire pour permettre la levée de ces sanctions.


En échange de cette levée des sanctions, l’Iran devra geler certaines de ces activités nucléaires. Comment l’Iran justifie-t-il son droit au nucléaire civil ?



C’est la question centrale depuis le début de cette crise. Sur le plan légal, l’Iran considère qu’en tant que signataire du traité de non-prolifération, il a le droit d’enrichir de l’uranium. Il est vrai que lorsqu’on est signataire de ce traité, on a droit d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins civiles. Tout le problème, c’est l’utilisation qui en est faite. L’Iran veut également développer l’industrie nucléaire et ne pas simplement se contenter d’importer des combustibles. Il veut donc maîtriser l’ensemble du cycle technologique, c’est-à-dire produire des combustibles qu’il peut utiliser dans ses réacteurs.

D’autres aspects l’intéressent également, comme les applications industrielles ou médicales de la maîtrise de la technologie nucléaire. Plus généralement, il y a en Iran, sur le plan culturel et historique, le sentiment que l’Occident lui refuse l’accès à la technologie. Tout cela pousse l’Iran à continuer ses activités, pour que le programme nucléaire ne disparaisse pas. On peut dire de manière réaliste qu’ils ne reculeront donc jamais sur la question de l’enrichissement de l’uranium.


L’arrivée d’Hassan Rohani au pouvoir en Iran a été plutôt bien accueillie sur la scène internationale. Mais l’ayatollah Ali Khamenei reste le Guide suprême d’Iran, et c’est donc lui qui a le dernier mot. Quelle est la marge de manœuvre du président iranien ?



Effectivement, selon la Constitution, le Guide suprême a le dernier mot sur les toutes les grandes questions (sécurité nationale, justice…). Mais il n’est pas non plus un chef incontesté : il doit faire très attention aux équilibres politiques intérieurs. Il y a notamment eu un affaiblissement du courant radical en Iran avec l’échec d’Ahmadinejad, et un mouvement s’est créé depuis quelques années avec des modérés des deux camps (conservateurs et réformateurs). Ils ont créé une sorte de centre, dont Rohani est un peu l’expression, qui a pris une certaine force en Iran.

Les négociations actuelles sur le nucléaire et la reprise du dialogue avec les États-Unis ont tout de même été validées par le Guide suprême : ce n’est pas simplement le plan de Rohani. S’il les a validées, c’est qu’il considère que l’Iran a tout à gagner s’il améliore ses relations avec les États-Unis, et si les sanctions internationales sont allégées. L’amélioration des relations avec les États-Unis et l’Europe peut aussi permettre à l’Iran de renforcer son statut de puissance régionale, car l’Iran se sentait sans doute isolé dans la région – il fait notamment face à une lutte d’influence avec l’Arabie saoudite. Il y a néanmoins des différences de sensibilité entre le Guide et Rohani sur la question de l’ampleur de la reprise des relations avec les États-Unis, ou même sur la question de l’ouverture politique en Iran.

Mais plus Rohani pourra accumuler des succès en termes de politique intérieure et d’économie, et plus il sera renforcé pour mener d’autres réformes sur le plan de la démocratie et des droits de l’homme par exemple.


Dans quel climat la population iranienne célèbre-t-elle aujourd’hui le nouvel an iranien ?



Il y a toujours une atmosphère de fête pendant ces célébrations qui tombent pendant les grandes vacances. L’atmosphère s’est améliorée depuis qu’Ahmadinejad n’est plus au pouvoir. Il y a maintenant un certain optimiste depuis l’élection de Rohani, la situation s’est un petit peu améliorée sur le plan économique puisque l’inflation a reculé et il y a une perspective de sortie de crise avec la signature de cet accord intérimaire sur le nucléaire. La population attend maintenant qu’il y ait véritablement un accord final dans ce domaine.


 

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