ANALYSES

Les grandes cultures, un attribut de puissance pour la France

Presse
24 avril 2014
Sébastien Abis - Scop Info
Vous êtes le coauteur d’un ouvrage intitulé «Agriculture et mondialisation – Un atout géopolitique pour la France»(2).Qu’entendez-vous par là ?



Comme l’accès à l’eau et à l’énergie, l’accès à l’alimentation conditionnera fortement demain l’évolution des relations internationales. Avec les crises alimentaires de 2007 et leurs conséquences politiques, beaucoup ont redécouvert à cet égard des enjeux stratégiques de première importance. De nombreux Etats se mobilisent dans ce sens et reclassent l’agriculture et la sécurité alimentaire dans leur agenda géopolitique. Ce contexte interpelle la France sur le rôle à donner à son agriculture, elle qui fait partie des rares pays au monde – moins de 20 sur près de 200 – aptes à en approvisionner d’autres.


En termes d’influence internationale, quelle est la meilleure stratégie d’utilisation de son atout agricole par la France ?



Notre pays doit se demander quels attributs de puissance il peut encore faire valoir aujourd’hui dans le monde et à quel endroit. Sur quoi sommes-nous encore une « puissance-repère » et pour quels pays ? Nos performances agricoles sont là un facteur majeur, outre-Méditerranée en particulier. Déjà colossaux et appelés à croître plus qu’ailleurs, les besoins des pays arabes méditerranéens en importations alimentaires, de grains notamment, nous tracent la voie. Au-delà de l’intérêt économique à y répondre, pareille situation nous met géopolitiquement dans une logique de devoir. Ne pas participer à la construction de la sécurité alimentaire de ces pays voisins serait dangereux pour la stabilité de cette région méditerranéenne, et donc de l’Europe.


Par quelles attitudes passe la mise en œuvre de cette stratégie ?



En grandes cultures, nous devons continuer à produire plus en même temps que mieux. Les deux objectifs doivent se conjuguer, passe contredire ou s’opposer. La France doit intégrer vraiment les questions agricoles et céréalières dans sa diplomatie économique. Elle peut contribuer aux équilibres alimentaires de certains pays. Nous sommes ici dans un domaine qui nécessite une vision. Il faut faire de la prospective, il faut des plans à long terme. À l’échelle des filières, continuons nos efforts, sans perdre de vue que si nous bénéficions de certains plus dans les pays des autres bords de la Méditerranée, ceux-ci savent faire jouer la concurrence, ils évoluent par ailleurs socio-politiquement et leurs élites de demain pourront être différentes de celles d’hier.

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