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Platini impose le fair-play financier : pourquoi ça ne va pas tuer le PSG

Presse
12 mai 2014

On connaîtra très prochainement les sanctions infligées au PSG et à Manchester City pour non respect des règles du fair-play financier. L’UEFA promet d’être plutôt sévère. Que penser de cette nouvelle règle dans le foot ? Quels clubs risquent gros ? Réponse de Pascal Boniface, auteur de "Géopolitique du sport" (Armand Colin).


Si l’annonce officielle se fait toujours attendre, l’hypothèse de sanctions prises contre neuf clubs par l’UEFA au nom du fair-play financier semble se confirmer. Le PSG et Manchester City en seraient les principales victimes.

Le PSG devrait s’acquitter d’une amende de 60 millions d’euros en trois ans, plafonner l’an prochain sa masse salariale, ne recruter qu’un joueur pour un montant de 60 millions et ne pouvoir inscrire que 21 joueurs dans la prochaine ligue des champions.

Manchester City pourrait subir les mêmes sanctions mais, contrairement au club parisien, semble vouloir les contester.

Que penser de tout cela ?


1. Un principe de fair-play financier est bienvenu

Platini a voulu s’attaquer aux déficits qui rongent le football professionnel européen. L’an dernier le déficit global était de 1700 millions d’euros, cette année d’un milliard. L’annonce du fair-play financier a eu un premier effet dissuasif. C’est mieux, mais c’est encore trop.

Sans régulation, le football européen était sous la menace d’un éclatement de la bulle spéculative avec des faillites en série qui auraient atteint son image et bouleversé les compétitions.

Il fallait donc limiter la "course aux armements" des dépenses incontrôlées sans recettes. Cette course épuisante fut la cause de l’implosion de l’URSS, il n’y a pas de raison que le football européen en soit sorti indemne.

Les déficits, comme les arbres, ne montent pas jusqu’au ciel.


2. Une application de ce principe peut soulever quelques critiques

Ce qui est pris en compte, ce sont les déficits, pas l’endettement. Qui bénéficient aux clubs espagnols.

À eux seuls, les deux clubs de Madrid ont une dette cumulée de près d’un milliard d’euros. Le système conforte également les anciens sur les nouveaux riches. Le PSG a un budget en équilibre.

Mais qu’est-ce qui lui était reproché ?

Le fait que son principal contrat conclu avec le Qatar Tourism authority pour 200 millions d’euros a la même source que le propriétaire du club. Pourtant, nul ne peut mettre en doute que l’achat du PSG ait boosté l’image du Qatar dans des proportions gigantesques.

Il n’y a qu’à comparer le nombre de reportages et documentaires sur le Qatar avant et après l’achat du PSG.

Avant juillet 2011, seuls les spécialistes de géopolitique connaissaient le Qatar. Désormais, tout le monde en a entendu parler ! L’investissement est donc rationnel en termes de notoriété.

Abramovitch ne pouvait plus combler les déficits de Chelsea avec son argent personnel. Mais maintenant qu’il a bâti une équipe compétitive à coups de millions, il peut bénéficier des recettes que sa notoriété et ses succès permettent.

Le Bayern de Munich, qui jouit de recettes stables élevées depuis longtemps, est particulièrement intéressé pour limiter l’arrivée de nouveaux concurrents.

Le risque est donc de créer un oligopole de puissances qui bloquent l’arrivée de nouveaux venus. Pour reprendre la comparaison avec la course aux armements, on peut penser au traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), où les pays nucléaires ferment l’accès au club aux pays qui en sont au seuil. 


3. Un système finalement avantageux

Malgré ses imperfections, le système a plus d’avantages que d’inconvénients. Le TNP est injuste mais il a contribué à l’ordre international.

Peut-être faudra-t-il d’affiner le fair-play financier et en faire un bilan d’ici quelque temps ?

Mais là, il était indispensable d’agir.


4. Une preuve d’autorité de Michel Platini 

Il fait ce qu’il a annoncé. Il n’hésite pas à sanctionner des clubs riches et ne s’en prend pas qu’à des clubs de deuxième ou troisième rang comme certains le disaient.

Par ailleurs, tous ceux qui depuis plusieurs mois l’accusent d’être "dans la main des qataris" devraient faire leur mea culpa. Il est désormais accusé d’être dans "la main du Bayern".

Sa politique n’est sans doute pas parfaite, mais il ne faut pas oublier qu’il agit non pas sur une page blanche mais dans un système où (comme dans la vie réelle !) les rapports de force existent.

Ne peut-on pas simplement reconnaître que, depuis qu’il a accédé à la présidence de l’UEFA, il a amené beaucoup de régulation ? Alors qu’auparavant les vents de la dérégulation avaient soufflé très fort.

Platini, avec autant de talent comme dirigeant qu’il en avait comme joueur, mène le jeu. Il protège au maximum le football des dérives que les flux d’argent peuvent susciter.

Mais on ne peut pas lui demander de supprimer l’argent football ni le capitalisme…

Il ne fait pas de miracles et ne guérit pas des écrouelles mais il améliore le système.


5. Monaco a du souci à se faire 

Car l’an prochain, l’UEFA va étudier son ratio recettes-dépenses.

Monaco a du souci à se faire car son potentiel de diversification hors actionnaire majoritaire reste faible.


6. Le PSG est freiné 

La saison prochaine, le Paris-Saint-Germain (qui doit en plus supporter la taxe de 75% !) va être freiné dans son ascension.

Il ne pourra pas recruter autant qu’il le voudrait. Mais le club peut poursuivre l’augmentation de ses moyens en dehors des fonds qataris.

Il a déjà cette année multiplié par quatre le prix de son contrat avec son équipementier maillot (Nike) et le prix pour y figurer (Emirates compagnie concurrente de Qatar Airways).

Mais l’attractivité du PSG reste l’une des plus fortes de tous les clubs européens. Parce qu’il repose sur la combinaison d’un club de football déjà compétitif et d’une ville dont la puissance évocatrice est plus forte que celle de ses concurrents.

Aucun club de Londres ne peut prétendre représenter la ville à lui seul.

Manchester ou Munich font moins rêver que Paris. Le cocktail Ibrahamovic-Tour Eiffel est unique au monde.

Les recettes des sponsoring maillots, vente de tickets, vente de droits télé et vente de maillot ont un potentiel de progression immense pour Paris. Le PSG va partir à la conquête des marchés mondiaux, notamment en Asie.

Le fair-play financier peut ralentir sa progression pour un ou deux ans, mais ne l’empêchera pas d’atteindre ses objectifs financiers par la suite.

Sur le plan sportif, c’est autre chose car aucun budget ne peut garantir la conquête de la championne, mais ça, personne ne s’en plaindra.


7. Le PSG ne doit pas paniquer 

Si les propriétaires du PSG sont vraiment dans une optique de long terme, le slogan à adopter c’est "Don’t Panik".

 

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