ANALYSES

« L’UE reste l’un des principaux partenaires économiques de l’Afrique »

Presse
2 juillet 2014

Alors que le 4e sommet UE-Afrique s’est tenu à Bruxelles au début du mois d’avril sous le thème global « Investir dans les populations, la prospérité et la paix », quel bilan peut-on tirer des rapports entre l’Union européenne et les pays africains? Quelles sont les conséquences de la crise économique européenne sur ces relations et quelles sont les mesures mises en oeuvre pour les consolider ? Éléments de réponse de Samuel Nguembock, Docteur en science politique, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste de l’Afrique.


Bilan des relations Europe-Afrique : Les rapports privilégiés entre l’Europe et l’Afrique sont-ils « usés » ? 

Sur le plan institutionnel et des accords de coopération qui lient les deux continents, on ne peut pas soutenir que les relations entre l’Afrique et l’Union européenne sont usées. La tenue du 4e Sommet UE-Afrique au début du mois d’avril 2014 à Bruxelles, visant à juste titre de renforcer la coopération entre les deux continents, témoigne remarquablement de la volonté des dirigeants Africains et Européens de poursuivre leur partenariat. Un partenariat articulé autour d’une importante palette d’instruments tant politique, diplomatique qu’économique, commercial et stratégique.


A moins de nourrir un scepticisme béat et dogmatique, il est logiquement difficile d’envisager, même à très long terme, la fin des rapports entre l’Europe et l’Afrique compte tenu de la profondeur historique, de la proximité géographique et culturelle et des intérêts géostratégiques et géoéconomiques qui structurent les relations entre les deux continents. L’Union européenne reste l’un des partenaires économiques et commerciaux les plus importants de l’Afrique. Elle demeure, malgré la crise économique qui secoue l’Europe, un des principaux soutiens financiers du continent avec environ 50% de l’aide publique au développement provenant des pays de la zone euro. L’Afrique, quant à elle, fournit à l’Europe près de 40% de ses exportations de ses matières premières à l’Europe.


Quel est l’impact de la crise économique européenne sur ces relations ?

Bien évidemment, des inquiétudes persistent quant à la longévité du privilège réservé au partenariat UE-Afrique. En effet, du point de vue de l’aide publique au développement,  on peut observer que depuis trois ans environ, nombre de pays européens ont revu à la baisse leur aide financière vers l’Afrique. Une baisse de l’APD qui non seulement est liée aux conséquences dramatiques de la crise plus affirmée dans certains pays européens, notamment l’Espagne, la Grèce et le Portugal ; mais également qui a un impact conséquent sur plusieurs économies africaines dépendantes de l’aide financière internationale : le Mozambique, la République démocratique du Congo, le Liberia et les pays en situation de reconstruction post-crise.


Quels sont les principaux cadres législatifs qui encadrent les relations entre l’UE et les pays africains ? 

Le principal cadre législatif qui organise les relations entre l’Union européenne et les pays d’Afrique se trouve encadré par les deux Accords de Yaoundé (1963, 1969), les quatre conventions de Lomé (1975, 1979, 1984, 1995), les Accords de Cotonou (2000) et les Accords de Partenariat Economique (APE) en négociation depuis 2002. Il faut préciser que, s’appuyant sur les Accords de Cotonou qui proposent un partenariat complet sur trois piliers : coopération au développement, coopération économique et commerciale et dimension politique,  les APE définissent la nouvelle base des relations commerciales entre l’Union européenne et l’Afrique et envisagent l’ouverture réciproque des marchés des deux zones.


En dehors de cette base juridique des relations entre l’Europe et l’Afrique qui pourrait être qualifiée de traditionnelle, il faut ajouter un nouveau cadre législatif basé sur « une approche continentale » en construction. Il s’agit de la Stratégie commune Afrique-UE adoptée par les chefs d’Etat et de gouvernement Africains et Européens en 2007. Le postulat de base de cette nouvelle approche est la construction de l’Europe et de l’Afrique dans un seul et même ensemble continental, l’idée étant d’établir un partenariat d’égal à égal permettant d’aborder ensemble des problématiques communes.


Quel est l’objectif du partenariat Afrique-UE créé lors du deuxième sommet entre l’UE et l’Afrique, qui a eu lieu à Lisbonne en décembre 2007 ? 

Pour comprendre l’objectif du partenariat Afrique-UE créé en 2007, il faut souligner un fait important qui a permis la mise en place de ce partenariat. S’agissant des deux principaux cadres législatifs qui structurent les rapports UE-Afrique, en 2000 à Cotonou, les deux zones choisissent d’ajouter aux échanges économiques et commerciaux existants, une dimension politique dans leurs relations. La même année au Caire, l’Union européenne et l’Afrique insistent sur la nécessité de renforcer leur dialogue politique. D’une part, la formalisation de ce dialogue politique va contribuer d’une certaine manière à la création de l’Union africaine sous le modèle d’une copie intégrale de l’architecture institutionnelle de l’Union européenne ; et d’autre part, la formalisation du dialogue politique permettra à l’Union européenne d’expérimenter ses premières réalisations dans le cadre de ses nouvelles responsabilités politiques sur la scène internationale, notamment dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune.


L’objectif du partenariat Afrique-UE créé en décembre 2007 est donc d’abord de mieux structurer et de capitaliser les acquis obtenus de 2000 à 2007 c’est-à-dire de créer un cadre formel de dialogue s’appuyant sur les changements opérés en Afrique comme en Europe. En Afrique, la création d’un nouveau cadre continental pour traiter des questions africaines (l’Union africaine) et la création d’un nouvel instrument économique : le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique). En Europe, le poids de plus en plus important de l’Union sur la scène internationale : l’augmentation de ses membre, approfondissement de son processus d’intégration et la mise en place progressivement effective de sa politique étrangère. La structuration de ces acquis passe par la mise en place d’un plan d’action qui permettra d’assurer le suivi global des engagements pris et d’atteindre les objectifs fixés. Il s’agit par exemple d’aboutir à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, à la mise en place de l’Architecture africaine de paix et de sécurité, au renforcement des investissements et de la croissance à travers l’intégration régionale et des relations économiques plus étroites.


L’échec de la réunion de Tripoli en 2010, montre-t-il que le partenariat UE-UA doit être repensé aujourd’hui ? 



Je ne sais pas s’il faut parler d’échec du Sommet UE-Afrique de 2010 à Tripoli. Je pense plutôt, à mon avis, que la décision d’adopter une nouvelle stratégie pour relancer la coopération entre les deux continents, alors qu’un cadre formel et un plan d’action plus étoffé ont été définis trois ans plus tôt à Lisbonne, laisse entrevoir que la mise en œuvre du partenariat stratégique UE-Afrique ne s’inscrivait pas dans la bonne direction.


En ce qui concerne la refondation ou pas du partenariat UE-Afrique, je pense, strictement de mon point de vue, que les textes qui régissent ces rapports sont excellents, mis à part les risques d’accroissement des inégalités portés par les textes qui gouvernent les négociations entre l’Union européenne et les pays d’Afrique dans le cadre des Accords de partenariat économique. Je pense plutôt que le problème se situe au niveau de la capacité des administrations publiques africaines à réduire la vitesse du gap en termes de compétitivité entre le management public des économies européennes et celui des économies africaines. Je ne suis pas en mesure d’affirmer avec certitude aujourd’hui que les règles de bonne conduite et de bonnes pratiques dans la gestion des affaires publiques et financières constituent une urgence pour nombre de pays africains. A mon avis c’est le problème central à résoudre. La résolution de ce dernier est une condition sine qua none de l’efficacité du partenariat UE-Afrique.


Quel bilan peut-on dresser de Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne : a-t-elle renforcé les relations économiques avec l’Afrique ? 

La capacité de l’Union européenne à se projeter vers l’extérieur et l’efficacité de son action au-delà de ses frontières ne saurait se réduire à la seule responsabilité d’un individu ou d’un service diplomatique. Je trouve donc excessive la responsabilité de l’échec de la diplomatie européenne que font porter à Catherine Ashton nombre d’observateurs des questions européennes. En ce qui concerne le bilan de cette dernière dans le partenariat UE-Afrique, je pense qu’il existe, sans être exhaustif, des points positifs à lui accorder. Dans le cadre de la lutte contre la piraterie maritime en Afrique, l’Union européenne, avec la volonté politique des Etats membres, s’est montrée présente à travers l’opération ATALANTA. Au Mali, l’Union européenne participe à la réforme du secteur de la sécurité. Depuis avril dernier, la force de l’Union européenne en Centrafrique a été déclarée opérationnelle, elle assure aujourd’hui la sécurité de l’aéroport de Bangui.


 

Sur la même thématique