ANALYSES

Gaza : le massacre

Presse
21 juillet 2014

L’opération militaire israélienne continue. Entre offensive terrestre et bombardements massifs, les objectifs assignés -neutraliser les tunnels creusés par le Hamas et faire cesser le lancement des roquettes sur le sud du pays- sont loin d’être atteints. Le peuvent-ils seulement? Pourtant, le bilan humain de l’opération "Bordure protectrice" est déjà très lourd. Au terme du treizième jour de conflit, plus de 500 morts palestiniens (avec près d’une centaine de victimes pour la seule journée de dimanche) sont à déplorer, dont 75% de victimes civiles et 20% d’enfants. On dénombre une douzaine de soldats israéliens tués. Un bilan plus lourd qu’il y a deux ans: l’opération précédente ("Pilier de défense"), menée en novembre 2012, avait provoqué la mort de 177 Palestiniens et de six Israéliens, en sept jours… L’opération avait déjà pour objectif de faire cesser les tirs de roquette de Gaza.


En dehors du décompte macabre des victimes, la responsable de l’UNICEF souligne les effets à long terme des violences sur des enfants qui, pour certains, en sont à leur troisième guerre depuis l’opération israélienne "Plomb Durci" intervenue lors de l’hiver 2008-2009. Celle-ci avait causé la mort de 1400 Palestiniens, des centaines de civils, dont 300 enfants, selon un rapport d’Amnesty International (publié le 2 juillet 2009 et intitulé "Israel/Gaza: Operation ‘Cast Lead’: 22 days of death and destruction") qui se concluait par une exhortation de l’Etat d’Israël à prendre l’engagement de ne plus lancer d’attaques aveugles ou disproportionnées contre des civils, de ne plus procéder à des tirs d’artillerie, de mortiers et d’obus au phosphore blanc contre des zones densément peuplées, et de mettre fin au blocus de la bande de Gaza, qui impose une sanction collective à toute la population…


En ce sens, l’opération "Bordure protectrice" est le produit d’un cercle vicieux, dont les acteurs n’ont pas la volonté nécessaire de se dégager. Le cycle de la violence et de la passion vengeresse prime sur toute démarche nécessaire vers un accord global. Résultat, cette énième opération n’échappe pas à la loi du genre. Des scènes de carnage et de chaos qui se répètent, sur fond d’attaques aériennes visant des structures civiles, tuant des victimes innocentes, en violation manifeste des lois de la guerre. Ce que l’ONG "Human Rights Watch" a elle-même reconnu. Le pilonnage de Chajaya, une banlieue située à l’est de la ville de Gaza, a causé ce dimanche la mort d’au moins 62 Palestiniens.


Au-delà de quelques "voix humanitaires", le silence ou du moins la volonté d’impuissance règne, y compris dans le cercle fermé de nos philosophes germanopratins pour lesquels les combats au nom des valeurs humanistes et universelles s’arrêtent aux frontières de la Palestine. Quant aux quelques efforts diplomatiques pour obtenir une trêve, ils ne sauraient masquer l’impuissance -ou plutôt- l’indifférence de la communauté internationale. Le silence des régimes arabes est saisissant, alors que la gesticulation diplomatique fait office de stratégie pour les chancelleries occidentales. Récents prix Nobel de la paix, Barack Obama et l’Union européenne sont impassibles, ou presque. Nulle initiative significative, nulle sanction en vue. De simples appels à la "retenue", terme galvaudé devenu indécent au regard de la tragédie humaine dont Gaza est devenue le théâtre. Si la posture pro-israélienne des Etats-Unis n’est guère surprenante, les cas de l’Union européenne pose question.


Historiquement, les Européens ont déjà su faire preuve d’audace, comme en témoigne la déclaration de Venise de 1980, par laquelle ils adhéraient à la solution des deux Etats coexistant dans la paix et la sécurité. Cet acte politique et symbolique s’est prolongé par un engagement financier non négligeable. L’Union européenne est même devenue le plus grand donateur d’aide au développement dans les Territoires palestiniens occupés. Elle défend le principe de négociations de paix et condamne régulièrement la politique de colonisation suivie depuis 1967 par l’Etat israélien.


Des positions de principe non suivies d’actes. Ainsi, l’accord d’association qui lie l’UE et Israël est fondé, selon ses propres termes, sur "le respect partagé des valeurs démocratiques et des droits de l’Homme". Or le respect de cette clause pose question (doux euphémisme) au regard de la violation manifeste du droit international humanitaire qui caractérise les politiques d’occupation et de colonisation des gouvernements israéliens successifs. Une violation dont nulle conséquence n’est tirée, à savoir la suspension de l’accord d’association. Non seulement la crédibilité internationale de l’UE s’en trouve affectée, mais les fondements axiologiques et politiques de son projet sont bafoués.


Aujourd’hui, si la question des sanctions demeure posée, l’urgence n’est pas à la surenchère verbale (à laquelle a pourtant cédé le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan qui a accusé Israël de "surpasser Hitler en barbarie"), mais au déploiement d’une action diplomatique rapide et volontariste pour imposer un cessez-le-feu durable, à défaut d’une paix durable.


 

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